Le député des Alpes-Maritimes et vice-président de l'UMP, Jean Leonetti, a présidé la Mission parlementaire sur l'accompagnement de la fin de vie en 2004, qui a conduit à la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie de 2005.
Le Figaro . - Que pensez-vous de la décision du tribunal administratif de Reims, qui a mis fin à une procédure d'euthanasie?
Jean Leonetti. - Cette décision révèle avant tout un conflit intra-familial sur la décision à prendre. Les médecins avaient une telle relation de continuité avec l'épouse de cet homme dans le coma que c'est à elle qu'ils ont demandé son avis. On ne peut pas faire un conseil de famille en faisant voter les uns et les autres. C'est ingérable. Dans ces situations, les personnes hostiles à la fin de vie réagissent le plus souvent parce qu'elles n'étaient pas au courant beaucoup plus que parce qu'elles ne voulaient pas de l'arrêt du traitement. Ce type de cas est rarissime car généralement il y a consensus dans les familles sur le fait d'arrêter le traitement.
Quel proche doit être consulté en priorité pour une telle décision?
C'est tout le problème. La loi ne peut pas l'encadrer. En l'absence d'une «personne de confiance» expressément désignée par le malade ou d'une volonté écrite de ce dernier, les médecins se tournent vers la personne la plus proche. Ce peut être une femme, une compagne, un ami. Le fait de vivre dix ans avec quelqu'un crée des liens affectifs qui correspondent plus à la réalité de ce qu'aurait souhaité la personne plutôt que des parents vus de moins en moins. Et cela ne dépend pas des liens juridiques, comme le mariage. Une compagne a autant de poids qu'une épouse. À la limite, on pourrait prendre un décret avec une hiérarchie familiale. Mais au nom de quoi, par exemple, un frère ou un père qui n'a pas vu le malade depuis un an devrait-il être davantage consulté que la mère de son enfant, présente tous les jours à ses côtés? Il ne faut par ailleurs pas oublier que l'on se contente de recueillir l'avis des proches même s'il est important d'établir un consensus. C'est le médecin qui décide au final.
Le médecin n'aurait-il pas dû suspendre le processus à partir du moment où il a été confronté au refus des parents?
Personne ne conteste la décision collégiale du médecin. En se contentant de l'avis de la femme, le médecin n'a pas commis d'erreur. C'est elle qui était en dialogue permanent avec le médecin et qui venait voir son mari. Mais sans doute eut-il été préférable qu'il stoppe le processus à partir du moment où les parents se sont montrés hostiles à la décision. Une des clefs de la loi, c'est le dialogue. La sagesse, dans ce cas, c'est de suspendre la décision et d'essayer de trouver un consensus.
Comment éviter ce type de situation inextricable?
Il serait nécessaire que chaque Français désigne une «personne de confiance» susceptible de représenter ses vœux. Ou fasse savoir expressément qu'en cas de problème médical grave, il veut ou ne veut pas que l'on prolonge sa vie de façon artificielle. C'est ce que l'on appelle des «directives anticipées». J'ai été confronté à la situation d'un homme dans le coma. Le fait qu'il ait dit à plusieurs reprises, avant son problème de santé, que vivre, pour lui, c'était bouger, se déplacer, parler, a facilité la prise de décision des membres de sa famille et les a déculpabilisés.
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