"La majorité des habitants de Reyhanli pense d’ailleurs que l’attaque est l’œuvre de l’Armée syrienne libre (ASL).
De nombreuses personnes interrogées sur place disent même que les rebelles syriens ont été avertis et ont quitté la ville peu avant les explosions.
C’est en tout cas ce que relève le député turc du Congrès démocratique du peuple Ertugrul Kürkçü en visite aujourd'hui sur les lieux de l'attentat. (Radikal, 13 mai 2013)."
"Les victimes de l'attentat sont plus pro-Bachar que pro-rebelles
La ville de Reyhanli et ses alentours abritent plusieurs dizaines de milliers de réfugiés syriens sympathisant avec la rébellion anti-baassiste.
Or, sur les 50 victimes du double attentat, seules trois d'entre elles sont syriennes.
Les statistiques les plus fiables indiquent que la population turque, y compris l'électorat de l'AKP, est globalement opposée à la guerre entre la Turquie et la Syrie.
Les habitants de Reyhanli ne sont pas en reste. Ces derniers jours, ils ont organisé plusieurs manifestations contre les réfugiés et les rebelles syriens.
La raison en est que l’arrivée des réfugiés syriens a coïncidé avec une crise économique sans précédent qui frappe les populations vivant du commerce transfrontalier.
De plus, le soutien du gouvernement Erdogan aux rebelles syriens a fait du Hatay une véritable poudrière : des hommes armés circulent dans toute la province.
Plusieurs caches et des ateliers de fabrication d’armes appartenant aux rebelles syriens ont explosé « accidentellement ».
Des centaines de voitures ont été volées et emmenées en Syrie pour servir dans des attaques terroristes.
Des Syriens refusent parfois de payer leur addition dans les restaurants en arguant qu’ils sont les invités et les protégés d’Erdogan.
Des alaouites d’Antioche ont été menacés de mort et d’extermination. Le 29 avril dernier, le domicile du cheikh alaouite Ali Yeral très critique envers les rebelles syriens a été attaqué par des inconnus.
Dans la région d’Adana, des alaouites ont reçu un tract bilingue (arabe et turc) au contenu suivant : « Nous, soldats du bataillon du cheikh Moaz Al Khatib qui menons le djihad sur la voie d’Allah, mettons Assad et ses collaborateurs en garde : Ne soutenez pas le mécréant. Pour éviter que votre tête ne soit détachée de votre corps, empruntez la voie d’Allah. Toi le mécréant qui fait tes ablutions dans la bave du chien Assad, nous déverserons ton sang pour laver la terre sacrée de l’Etat sunnite syrien. Grâce à la puissance qu’Allah donnera à notre bras, votre fin est proche » (Cumhuriyet, 12 avril 2013).
Transgressant son sens de l’hospitalité légendaire, la population de Reyhanli qui, à l’instar des réfugiés et des rebelles syriens, est majoritairement sunnite, en a elle aussi ras-le-bol du laxisme des autorités turques à l’égard des réfugiés syriens qui sèment l’insécurité et la discorde.
Quatre jours avant les attentats, Reyhanli a été le théâtre de violents affrontements entre habitants locaux et réfugiés syriens.
On ne comprend donc pas pourquoi des « agents du régime syrien » auraient attaqué des habitants locaux au lieu de prendre des rebelles pour cible d’autant que le gouvernement syrien n'a aucun intérêt à cibler une population turque qui lui est favorable.
La thèse officielle turque selon laquelle le but des terroristes serait de semer la discorde entre les habitants de Reyhanli et les réfugiés syriens ne tient pas la route puisque cette discorde est déjà une réalité. Rebelles syriens et habitants de Reyhanli sont à couteaux tirés.
L'attentat visait certes à semer la discorde mais une discorde d'une toute autre nature, une discorde que les autorités n'ont visiblement pas réussi à camoufler puisqu'elle n'a pas échappé aux victimes. Les personnes interrogées sur les lieux du massacre ont interprété le double attentat comme une tentative de monter les sunnites du Hatay que d'aucuns veulent voir dans le camp des rebelles contre les alaouites "naturellement" pro-Bachar.
Mais la population du Hatay n’est pas dupe. Ce dimanche, alaouites, sunnites et chrétiens ont manifesté main dans la main à Antioche en solidarité avec les victimes de Reyhanli et ont appelé le gouvernement turc à la démission.
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