Albert Caraco était un homme courtois, approuvant toutes les sottises et se gardant de paraître plus savant ou plus spirituel qu’il ne l’était. C’est ainsi qu’il se décrit et c’est ainsi qu’il m’est apparu quand je l’ai croisé à Lausanne, aux éditions L’Âge d’Homme, à la fin des années 1960. Il vivait alors avec son père au Beau-Rivage Palace et publiait en Suisse, ce qui permettait aux critiques français d’ignorer son oeuvre. Cet homme effacé, presque insignifiant, portait en lui un secret, un secret que je découvre aujourd’hui seulement, près de quarante ans après sa mort. Ce secret, c’est qu’il concoctait une oeuvre si féroce, si dévastatrice, si prophétique qu’il fallait être mentalement dérangé pour y succomber. Lui-même, il le pensait, ne pouvait qu’en être la victime consentante. Il vivait dans l’ombre de la mort. Et son père, « Monsieur Père », était le dernier lien qui l’attachait à la vie. En le voyant dormir, il songeait que, s’il ne s’éveillait pas un beau matin, il le suivrait de bonne grâce. Il ne tenait pas à marcher sur ses traces. « Ah ! Quelle horreur que la vieillesse ! Plutôt mourir sept fois ! », écrivait-il. Quelques heures après la mort de « Monsieur Père », il se pendit, imprimant ainsi à son oeuvre un sceau d’authenticité dont nul ne se soucia. http://www.causeur.fr/nihilisme-caraco-cioran,22365
Qui le connait ? ... qui l'a lu ?
Un parallèle avec Cioran