L'organisme des Français contient des doses relativement élevées de pesticides par rapport à d'autres pays proches, révèle une étude nationale.
Laver les fruits et les légumes pour les débarrasser des résidus de pesticides est devenu un réflexe pour un grand nombre de Français. Ce petit geste est pourtant loin de les en protéger entièrement. La preuve avec le rapport publié lundi par l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Pour la première fois, une vaste étude a mesuré les niveaux moyens de pesticides présents dans la population. Les résultats de ces tests biologiques mettent en évidence une exposition relativement élevée par rapport à d'autres pays aux conditions de vie comparables, comme les Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne ou le Royaume-Uni.
Ce volet environnemental de l'étude nationale Nutrition et santé s'est basé sur des tests sanguins et urinaires de 3100 Français adultes, représentatifs de la population. Trois catégories de pesticides, aux effets et aux usages variables, ont été prises en compte:
- Les pesticides organochlorés. Ces produits aux propriétés fongicides et antimicrobiennes sont pour la plupart interdits aujourd'hui. Il était néanmoins nécessaire d'étudier leur impact car ils persistent longtemps dans l'environnement.
-Les pesticides organophosphorés: développés dans les années 1970, ils sont très efficaces contre les insectes, mais peuvent être très toxiques -voire mortels- pour l'homme si l'individu est exposé à une forte dose. Un certain nombre d'entre eux ont été interdits depuis 2006, année où les prélèvements biologiques ayant servi à l'étude ont été réalisés.
-Les pesticides pyréthrinoïdes: ces insecticides sont utilisés en agriculture, horticulture, dans le domaine forestier, dans les hôpitaux, dans les constructions publiques et commerciales, mais aussi à un niveau domestique, pour protéger les plantes et les textiles. Ils sont aussi présents dans les diffuseurs antimoustiques.
Pour les trois familles de pesticides, l'exposition des Français est supérieure à celle observée aux Etats-Unis et au Canada. La France fait mieux que l'Allemagne pour les organophosphorés mais moins bien pour les pyréthronoïdes. Globalement, l'INVS estime qu'une «attention particulière doit être portée aux pesticides organophosphorés et pyréthrinoïdes pour lesquels les niveaux français semblent être parmi les plus élevés en référence à des pays comparables».
Jardinage et animaux de compagnie
Pour Nadine Fréry, responsable de l'étude, la contamination ne se fait pas uniquement via l'alimentation mais elle s'explique aussi par l'usage domestique de ces produits. Les pyréthronoïdes servent couramment pour traiter le potager ou pour protéger les animaux de compagnie contre les puces. «Or les Français ont le plus fort taux d'animaux de compagnie du monde, et beaucoup de gens dorment avec leur chien ou leur chat sur leur lit, même si celui-ci porte un collier antipuces». La proximité de vignes favorise quant à elle l'exposition aux organophosphorés.
Compte tenu des taux observés, quels problèmes de santé publique peuvent être attribués aux pesticides? Selon Nadine Fréry, l'impact à long terme de l'exposition actuelle reste difficile à évaluer. «Des recherches sont en cours au niveau international mais pour l'instant, aucun seuil critique, aucune concentration sanguine à ne pas dépasser n'a été fixé par la communauté scientifique».
L'exposition chronique aux organophosphorés et aux pyréthronoïdes peut attaquer le système nerveux, provoquant des troubles de la sensibilité, des fourmillements, des vertiges, jusqu'à des convulsions dans les cas les plus graves. Les pyréthronoïdes sont également soupçonnés d'être des perturbateurs endocriniens.
Réduire encore les PCB
L'étude s'est aussi penchée sur les PCB, aussi appelés pyralènes. Même si la production de ces produits, autrefois utilisés dans les transformateurs électriques et certaines encres et peintures, est interdite depuis 1987, ils sont encore présents dans des cours d'eau contaminés. Par ce biais, ils migrent dans les graisses animales (poissons, viande, produits laitiers), ensuite ingérées par l'homme. La France se distingue par un taux excessif de PCB chez 13% des femmes en âge de procréer. Des résultats à améliorer quand on sait que les pyralènes peuvent perturber le développement psychomoteur de l'enfant, pendant la grossesse ou par l'allaitement.
Lundi, la Commission européenne a par ailleurs obtenu le feu vert des pays membres pour interdire trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes (non pris en compte par l'étude Nutrition et santé) afin de protéger la survie des abeilles.
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013 ... aise-eleve