Rémi Brague aussi s'est moqué de ce mythe de l'Andalousie où les trois religions
coexistaient pacifiquement propagé surtout par des juifs comme Jacques Atali
en vue de culpabiliser les chrétiens sur leur traitement des juifs.
Pour lui, cette Andalousie ressemblait plus à l'Afrique du Sud de l'apartheid.
L'Algérie française a failli être une terre de tolérance mais les extrémistes coloniaux et les fanatiques
islamiques ne l'ont pas voulu.
Toute cette légende se replace dans le cadre d’un rêve rétrospectif, celui d’une société multiculturelle où aurait régné la tolérance. En particulier, l’Espagne sous domination musulmane (al-Andalus) aurait été la préfiguration de notre rêve d’avenir d’une société bigarrée de peuples et de croyances vivant en bonne intelligence. Le niveau culturel y aurait été fantastiquement élevé. Cela aurait duré jusqu’à la Reconquête chrétienne, laquelle aurait inauguré le règne du fanatisme, de l’obscurantisme, etc.
Les lieux où coexistaient effectivement plusieurs ethnies et religions ont tous disparu. Certains, comme Alexandrie ou la Bosnie, l’ont fait assez récemment pour que le souvenir de ces échecs, sanglant dans le dernier cas, ne se soit pas encore effacé. Et ne parlons pas de l’Irak… L’Espagne musulmane, elle, est assez éloignée dans le temps pour que l’on puisse encore en idéaliser la mémoire. De plus, l’Espagne est, depuis le xvie siècle, le lieu idéal des légendes et des clichés. Cela a commencé par la « légende noire » sur la conquête du Nouveau Monde. Répandue par les plumitifs stipendiés par les rivaux commerciaux des espagnols et des portugais, dont la France, elle permettait à ceux-ci de légitimer leur piraterie d’État (dite « guerre de course »). N’insistons pas sur les poncifs « orientalistes » de Gautier et de Mérimée. Donc, pourquoi ne pas ajouter aux castagnettes et aux mantilles un al-Andalus rose ?
Pour le dire en passant, il serait fort instructif de reconstituer les origines de ce mythe andalou, depuis l’américain Washington Irving en passant par Nietzsche.
Un arabisant espagnol, Serafín Fanjul, s’est donné pour tâche de détruire cette légende et de montrer que les régions d’Espagne sous domination musulmane n’étaient ni plus ni moins agréables pour les communautés minoritaires que les régions chrétiennes. Des deux côtés, on constate discriminations et persécutions, le tout sur l’arrière-plan d’expéditions de pillage et de rapt. Plutôt que d’une coexistence (convivencia) harmonieuse, il s’agissait d’un système voisin de l’apartheid sud-africain. Là aussi, rien qui soit nouveau pour les historiens qui ont de cette époque une connaissance de première main. Mais qui les lit ?
Rémi Brague