Approche sociologique :
Le communautarisme est un courant de pensée qui attribue à une communauté (éthnique, religieuse, culturelle, politique, sexuelle...) la valeur fondamentale de l’existence humaine, une valeur plus importante que celle attribuée aux grandes valeurs universelles de liberté, de justice, d’égalité... : une seule identité, une seule appartenance « aux valeurs de sa communauté », avec ses traditions, son histoire partagée, bref tout ce qui différencie chaque communauté d’autres communautés caractérisées par d’autres repères. Il n’existe aucune perspective en dehors de la communauté.
Dans les formes les plus aiguës du communautarisme, le monde est manichéen : il y a les bons (ceux qui font partie de la communauté) et les méchants (les autres).
http://www.minorites.org/article.php?IDA=14368
Ce mouvement est né aux Etats-Unis au cours des années 1970 en raison de la faillite du système américain d’intégration et s’est installé en France vers 1990... pour les mêmes raisons.
Le creuset américain (melting pot) n’a pas mieux réussi son intégration des immigrés que la France car c’est la pluralité des cultures qui est à l’origine du communautarisme : rien n’est plus difficile que la reconnaissance de l’égalité dans la différence.
http://www.conflits.org/document.html?id=447
La Conférence des évêques de France, qui a consacré son dernier bulletin au communautarisme, rappelle qu’à la première analyse, ce mouvement ne mérite que d’être rejeté et dénoncé comme « une régression par rapport aux valeurs fondées sur les droits de l’homme ». On peut à juste titre s’inquiéter :
des dérives sectaires de certains groupes fondamentalistes marqués par une emprise sans contrôle des autorités religieuses sur leurs membres,
de la volonté de se soustraire à la loi commune : les droits et les devoirs des citoyens seraient définis par leur communauté d’appartenance.
de refuser de participer au débat public sur un pied d’égalité, avec les autres composantes de la société.
Mais, on peut aussi estimer que la vie chrétienne est une forme de vie communautaire et que son universalité (catholicisme) lui permet d’exercer le fait communautaire sans faire le lit du communautarisme.
D’un côté l’Eglise s’oppose à une idée communautariste de la société comme juxtaposition de communautés repliées sur elles-mêmes, d’un autre côté la dénonciation sommaire des « dérives communautaires » ne la concerne pas car elle est elle-même « communion de communautés », ne s’identifie pas à une culture particulière et plaide en faveur de l’enracinement social et culturel.
Ainsi, on peut faire la distinction entre :
le communautarisme d’enfermement, qui est un obstacle à la liberté individuelle, qui veut imposer une société cloisonnée, fermée à l’anglo-saxonne, où à chaque ethnie correspond un quartier, où plus personne ne communique avec l’autre parce qu’il est différent,
et le communautarisme d’ouverture qui est modéré et ouvre sur l’universel. Il ne met pas à l’index les communautés qui peuvent être le lieu d’épanouissement culturel, intellectuel, spirituel et en même temps une passerelle d’intégration vers la communauté nationale.
http://www.chretiensdanslacite.net/arti ... article=11
Pour Danièle Sallenave, auteur de Dieu com., l’identité communautaire est la réponse la plus immédiate à l’isolement des individus. Le communautarisme divise, mène au racisme et à l’exclusion alors que la communauté redonne vie aux anciennes formes de solidarité, permet de réfléchir aux modèles alternatifs de société.
http://www.gallimard.fr/catalog/Entretiens/01050601.htm
La philosophe Elizabeth Badinter, auteur de Fauuse route, constate que depuis quelques années les minorités juives et musulmanes s’adressent aux politiques en tant que communauté : elles demandent quelque chose « en plus », qui corresponde « à notre culture » et à « nos traditions ».
« Je trouve légitime que dans un premier temps on aille vers les siens, qu’on s’entraide. C’est toujours le cas à la première génération. En revanche, je parlerai de communautarisme si la deuxième génération ne peut plus sortir de la communauté. Il faut que la société globale vous laisse entrer mais aussi que la communauté d’origine vous laisse sortir. Tant qu’il y a ce double mouvement, tout va bien ».
http://perso.wanadoo.fr/sacw/fund/toura ... e2003.html
Enfin pour les jeunes du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), tisser le social c’est accepter d’entrer en confrontation avec d’autres non pas pour avoir gain de cause mais parce qu’on croit qu’il n’en sort que du bon si cela est vécu dans le respect.
Pour ces jeunes tisser le social, c’est donc « s’enraciner dans la dimension communautaire sans communautarisme ».
http://www.jesuites.com/actu/2004/mej.htm
Denis Jobert
Avril 2006