A l'initiative de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, de la Commission européenne et de la Pologne, une conférence a lieu mardi à Paris sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bi et trans.
Le monde moderne a évolué en reconnaissant de façon croissante le droit de chacun à être soi-même. Les homosexuels ne devraient pas faire exception à ce progrès. Et, encore aujourd’hui, le droit des homosexuels à être eux-mêmes est l’un des derniers droits de l’homme que la communauté internationale n’a pas réussi à protéger, à défaut d’avoir abouti dans les tentatives multiples menées ces dernières années pour le reconnaître. La déclaration présentée aux Nations unies en 2008 pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité fut une première étape. Ce qui peut sembler une évidence n’en était pas une : 68 pays ont signé cet appel, 57 l’ont refusé. Et ce n’est qu’en 2011 qu’une première résolution a été adoptée.
Nous nous réunissons à Paris, lors de cette conférence sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bi et trans en Europe, pour refuser cette fatalité et réaffirmer les valeurs universelles de liberté et de respect des différences individuelles. Personne ne peut ignorer qu’il est dangereux d’être soi-même, dans la plupart des pays du monde, lorsqu’on est homosexuel. Il est dangereux pour deux hommes ou deux femmes de se tenir par la main en public. Les homosexuels sont encore poursuivis et réprimés en tant qu’homosexuels, tels des criminels ou des malades, au mépris de cette dignité des êtres humains que nous avons placée au sommet de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les différences de culture ou de tradition ne sont pas une excuse lorsqu’il s’agit d’une violation des droits de l’homme. Ces droits ne souffrent aucune compromission. L’homophobie est une violence pour toute la société, car elle empêche des rapports libres et égaux entre les individus, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.
Nous appelons ceux qui permettent encore des discriminations ou des violences, voire pire, qui considèrent l’homosexualité comme un crime ou un délit, à revoir leur législation. Nous invitons ceux qui croient à la liberté à se rassembler pour la protection contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Demain nous proposerons une nouvelle stratégie sur la scène internationale. Cette stratégie repose sur trois piliers.
Le premier pilier tient dans la définition et la mise en œuvre de stratégies nationales de lutte contre l’homophobie. L’égalité est en marche dans nos pays. Elle ne doit pas attendre. Pour que les violences et les discriminations reculent partout, il faut agir dans de nombreux domaines : à l’école, dans le monde du travail, dans le domaine de la santé, de la sécurité, des prisons, des médias et de la communication, aussi bien que dans tous les services publics et dans l’espace public. On ne peut pas penser aux jeunes homosexuels sans penser aux drames que fait peser sur eux l’homophobie ordinaire, celle des insultes comme celle des silences, celle de la famille comme celle de la société. On ne peut pas répondre à ces défis sans agir dans un cadre global, qui implique tous les pouvoirs publics. La lutte contre l’homophobie doit devenir une politique à part entière des gouvernements modernes. Nous nous y engageons.
Le deuxième pilier de cet engagement est européen. Les Etats-membres de l’Union européenne placent le respect des droits fondamentaux au sommet de leurs valeurs. Nous voulons porter haut ces valeurs, la défense des libertés et le refus des discriminations. Nous voulons retrouver ces valeurs dans la politique extérieure de l’Union européenne, qui suivra bientôt des lignes directrices engagées en la matière. Nous voulons adopter une nouvelle législation européenne contre l’homophobie, pour avoir un cadre juridique plus efficace. Nous voulons vivre dans un espace européen où les droits des personnes sont effectivement garantis, quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Cela n’attend pas. Un même mouvement est à l’œuvre au sein du Conseil de l’Europe, dont le comité des ministres a adopté en 2010 des recommandations sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Le troisième pilier est la coordination de nos actions au plan multilatéral et notamment dans le cadre des Nations unies. La conférence européenne de Paris n’est pas une initiative isolée. Simultanément, une conférence asiatique est organisée à Katmandou et une conférence américaine est organisée à Brasilia. «Si tu veux aller vite, vas-y seul, mais si tu veux aller loin, alors il faut y aller ensemble», dit le proverbe. Contre l’homophobie, nous voulons aller loin. C’est pourquoi nous y allons ensemble, rassemblés avec les partenaires de l’Europe, avec les pays du Sud, avec les organisations internationales et avec les sociétés civiles.
Nous, Européens, devons être unis et réunir un maximum d’énergies autour de nous. C’est à ces seules conditions que nous pourrons porter le projet d’une reconnaissance pleine et entière du droit de tous les citoyens du monde au respect de leur identité.
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