Vaincre le 3ème totalitarisme
Vaincre le 3ème totalitarisme : La leçon de Churchill, par Amir Jahanchahi *
Il faut, même si cela paraît surprenant, oublier Oussama Ben Laden. Ce n'est pas parce qu'un assassin occupe à lui seul les écrans de nos télévisions qu'il doit aussi occuper tout l'espace de la guerre contre le totalitarisme islamiste.
Au mieux, Ben Laden n'est qu'un tueur de grands chemins. Il symbolise un crime, mais le crime dépasse de loin, par son ampleur et ses menaces, sa personnalité sur laquelle on s'est trop focalisé. Peu importe ce qu'il adviendra, ou ce qu'il est déjà advenu de Ben Laden. Ben Laden, mort ou vif, comme dirait Bush. Peu importe !
Car si Ben Laden disparaît, la pieuvre n'aura perdu qu'un seul de ses innombrables tentacules. Ben Laden est un leurre, l'arbre qui cache la forêt du terrorisme islamiste, une icône diabolique, dont la fascination nous a rendus aveugles.
Or l'islamisme est plus puissant que quelques milliers de talibans et Oussama Ben Laden.
Une fois gagnée la bataille d'Afghanistan, d'autres réseaux de l'islamisme, autrement organisés, mieux tissés que ceux de Ben Laden, continueront, si nous n'y prenons garde, leur travail de destruction planétaire par d'autres attentats, avec ou sans armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Car l'islamisme ne peut se contenter de victoires locales : il doit conquérir le monde ou au moins le soumettre - c'est sa meurtrière vocation.
Il lui en faut toujours plus - cela nous rappelle le nazisme : l'Autriche, les Sudètes, la Pologne, la France, puis l'Union Soviétique.
Cela nous rappelle également le communisme.
L'islamisme, c'est comme le vélo : il faut constamment avancer pour ne pas tomber.
Notre ennemi est l'idéologie islamiste qui entend nous abattre par tous les moyens.
Contre ce danger mortel, il n'y a qu'une réponse : la guerre, une guerre complexe, nouvelle, où se mêlent les domaines militaire et économique. Nous avons peut-être gagné la bataille d'Afghanistan, mais nous n'avons pas gagné la guerre.
La guerre ! C'est un mot qui fait peur. Il faut l'accepter, car cette guerre, ce n'est pas nous qui l'avons déclenchée. Et il y va de notre survie. George Bush avait raison d'annoncer que cette guerre serait longue, très longue, et qu'il y aurait des morts de notre côté aussi. Mais pour éradiquer définitivement cette idéologie, elle sera encore plus longue qu'on ne l'imagine. Il ne faudra pas s'arrêter en chemin, car si nous n'allons pas jusqu'au bout, par tous les moyens, militaires, politiques, économiques et diplomatiques en notre possession, cette guerre ne nous apportera que des déconvenues et des échecs. Ailleurs qu'en Afghanistan, les tentacules de la pieuvre continueront de pousser, plus meurtrières encore.
Une guerre de dix à quinze ans ou plus... La seule question qui importe est : sommes-nous prêts ? Sommes-nous prêts à rester sur le pied de guerre, c'est-à-dire mobilisés, psychologiquement, militairement, économiquement pendant une très longue période ? Sommes-nous prêts à accepter des sacrifices, nous qui sommes si attachés à notre confort ? Sommes-nous prêts, nous qui vivons dans des démocraties d'opinion, à refuser que l'opinion émotionnelle puisse contrarier une stratégie impliquant de réels sacrifices ? Sommes-nous prêts à voir au-delà de notre bien-être à court terme, à ne pas écouter les frileux et les lâches qui, au moindre drame, brandiront le drapeau blanc en criant : "Plutôt islamistes que morts !" ? Sommes-nous prêts à nous battre, à résister, à donner ?
Le monde libre paraît, et de loin, le plus fort, mais il n'est pas nécessairement le mieux armé pour cette guerre, qui n'est comparable à aucune autre. C'est en effet une guerre inédite, une de ces guerres que l'on dit "nouvelle", sans ligne de front, avec la planète entière pour champ de bataille. Sans ennemi visible, pourtant sa présence obsède les médias et affole les populations. Sans état belligérant désigné, bien qu'il dispose de quantités de bases, dormantes parfois, dans les "Etats voyous" et les banlieues d'un Occident bienveillant. Une de ces guerres que l'on nomme "guerre asymétrique".
Nous sommes désemparés économiquement car, on l'a vu, une opération commando du World Trade Center est capable de déstabiliser, en peu de jours, tous les pays développés de la planète, de provoquer des pertes financières astronomiques, de précipiter l'effondrement des grandes compagnies aériennes, de dévaster des pans entier de l'activité économique (dans l'aéronautique, le tourisme, l'assurance, l'industrie du luxe...), de mettre instantanément au chômage des centaines de milliers de personnes et de plonger le monde dans la récession.
Nous sommes désemparés moralement et psychologiquement.
Nos sociétés occidentales se montrent de plus en plus réticentes à "payer le prix de la liberté" parce qu'elles se sont converties depuis longtemps déjà à la religion du "zéro mort", cette chimère si sympathique et si dangereuse, entretenue par les Américains.
Nous sommes pris au piège de la tentation "munichoise", qui travaille en profondeur le monde libre avec son pacifisme obtus et aveugle, ce pacifisme qui refuse de voir, comme Daladier et Chamberlain, en 1938, face à Hitler, que la guerre est inévitable, puisque l'adversaire la désire.
Cette tendance, qui sévit à l'intérieur des médias et de nombreux partis politiques, s'accompagne d'une certaine fascination pour la sauvagerie - du moment qu'elle est "exotique" - laquelle ramollit et tétanise l'opinion occidentale.
C'est pourquoi il faut rappeler l'actualité de cette phrase de Churchill à Chamberlain au lendemain de Munich :
"Vous avez choisi le déshonneur plutôt que la guerre, vous aurez et le déshonneur et la guerre."
Notre désarroi n'a pas de limites. Les lendemains du 11 septembre nous ont montré que nous sommes désemparés, voire désarmés médiatiquement, car ce "Troisième Totalitarisme" a appris du nazisme et du communisme comment se battre sur le terrain de la propagande. Il médiatise, hélas !, avec beaucoup de savoir-faire ses attentats les plus horribles. Il manipule les mots et les discours. Il sait faire la guerre des images. Le monde libre n'a pas ce talent, précisément parce qu'il est une démocratie. Que peuvent faire des peuples nourris par la religion du "zéro mort" pour se protéger des "martyrs prêts à tout" et, dans tous les cas, à mourir ?
Le monde libre a fondé son existence et son essence sur un confort de vie qui va de pair avec le triomphe de l'individualisme et la recherche du bien-être personnel. C'est à la fois sa raison d'être et sa faiblesse parce qu'il a en face de lui les armées du " Troisième Totalitarisme", des armées de kamikazes et de guerriers qui campent avec un pied dans le XXIème siècle technologique et l'autre dans le Moyen Âge. Alors, quel bouclier inventer pour sauver la démocratie contre des centaines de bombes humaines?
Force est de constater que, comme les civilisations, les démocraties sont mortelles. Elles sont moulées dans l'argile dont sont faits les colosses. Quelles issues auront-elles si, demain, les Ben Laden se mettent à proliférer ? Si demain, dans des "Etats voyous", s'installent des bases terroristes, nucléaires peut-être ? Si demain, dans les "zones grises" du globe, que sont les banlieues de Paris et de Manchester, se forment des milliers de Mohammed Atta ?
Mais malgré nos apparences fragiles, nous allons gagner cette guerre. Car, à travers l'histoire, les inconnus qui ont sacrifié leur vie pour la liberté sont supérieurs à ceux qui ont combattu la liberté.
C'est parce qu'il y a eu Ben Laden et ses attentats que nous nous réveillons aujourd'hui de cette "fatigue de la liberté", qui saisit parfois le monde libre. Lui, qui a frappé les corps comme il a frappé les âmes, et suscité - du moins peut-on l'espérer - une insurrection nécessaire contre le " Troisième Totalitarisme". Mais comment être sûr que cette prise de conscience ne sera pas éphémère ?
Au début du conflit afghan, on a vu une belle unanimité, soutenue par l'opinion publique des démocraties occidentales. Après quinze jours de frappes américaines et quinze jours de propagande islamiste, ce front s'est lézardé, avant que la situation ne se retourne ; et, fugacement, le spectre du défaitisme, alimenté par tous les "munichois" de gauche et de droite, est revenu. Il va nous falloir faire preuve de détermination et éviter les erreurs de nos aînés qui - à de rares exceptions près - n'ont pas compris et ont laissé le nazisme s'installer tranquillement en Europe.
Nous allons devoir accepter du "sang et des larmes", comme le disait Churchill. Cela représente beaucoup de sacrifices, car nous devons mener cette guerre jusqu'à l'anéantissement du " Troisième Totalitarisme". Cette guerre ne sera pas classique, elle passera nécessairement par un combat multidirectionnel sans relâche contre l'idéologie islamiste, ses racines et le terreau qui l'ont vu prospérer. Cette guerre sera militaire autant qu'économique, diplomatique autant que politique. Oui c'est de Churchill et de son opiniâtreté prophétique qu'il faut s'inspirer pour ce combat vital. C'était un homme de courage.
Comme la guerre est à NOS PORTES, c'est de ce courage dont nous avons besoin.