Marseille : l'Etat défié par les gangs
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(Kalachnikovs saisies à Marseille récemment)
Malgré les renforts policiers dépêchés depuis l'automne, la violence est encore montée d'un cran cette semaine
C'est une spirale sanguinaire. Cinq morts dans des règlements de comptes depuis le début de l'année à Marseille, et un dans le Var. Sinistre décompte après les 24 déjà enregistrés en 2012 dans la région marseillaise…
La dernière victime a été découverte dans la nuit de vendredi à samedi par les marins-pompiers, un corps calciné non identifié, retrouvé sur le siège passager d'un véhicule. Les enquêteurs attendent que les prélèvements ADN, réalisés sur les lambeaux de chair qu'ils ont récupérés, leur livrent un nom ou que des proches viennent reconnaître le corps. Mais une fois de plus, ils soupçonnent un nouvel épisode de la guerre des gangs.
Samedi, dans son bureau de la place Beauvau, Manuel Valls, qui recevait le JDD pour parler de "sa méthode", apprenait "en direct" qu'une nouvelle agression venait d'être perpétrée, un homme mitraillé dans les jambes par deux individus dans la cité des Tilleuls. Pourtant, les renforts policiers sont importants. Après les 250 hommes dépêchés dans la cité phocéenne à l'automne, le ministre de l'Intérieur avait annoncé, cette semaine, l'arrivée de deux nouvelles compagnies de CRS. Des forces de l'ordre déployées dans toute la ville en butte à une violence sans limite.
Une guerre pour le contrôle du trafic de cannabis
C'est le contrôle du trafic de cannabis qui est à l'origine du mal marseillais. Cette drogue, qui ne demande aucune transformation, arrive du Maghreb et d'Espagne et passe directement des poches du livreur à celles des consommateurs. Pas besoin de logistique lourde et de laboratoires, comme au temps de la French Connection. Des jeunes s'improvisent caïds en quelques semaines et s'entre-tuent pour un bout de bitume. L'enjeu est de taille : une cité comme La Castellane rapporte jusqu'à 100.000 euros par mois, le "plan de deal" - un lieu de vente - entre 15.000 et 20.000 euros par mois. Les petits guetteurs de 12 à 13 ans, les "ouvriers non qualifiés" de cette industrie, empochent des dizaines d'euros par jour… "Ce trafic prospère sur la pauvreté", s'alarme le ministre.
Les kalachnikovs, reliquats des printemps arabes qui arrivent à Marseille, se monnayent entre 1.000 et 1.500 euros pièce. À ce tarif-là, le règlement de comptes est bon marché. "Nous avons des truands qui refusent de quitter la prison car ils redoutent de se faire descendre en sortant", confie un magistrat.
Un climat sulfureux alors qu'une autre guerre, électorale celle-ci, est en passe de commencer. Marseille, ville ouverte.