LA LITURGIE DU SACRE
par ANDRÉ LAVEDAN, 1926
L’Eglise qui, par la bouche de ses Pères et de ses Docteurs, nous enseigne que tout pouvoir vient de Dieu, ne pouvait
rester étrangère à l’institution des rois : elle est donc intervenue dans la cérémonie du sacre, dès que la France est
apparue comme une réalité naissante, et, à cette cérémonie, elle a prêté ses pompes les plus solennelles, l’auguste majesté
de ses temples, l’éclat de ses costumes, l’ampleur de ses chants magnifiques, la sublime beauté de sa liturgie.
Ainsi le sacre des rois a-t-il la figure et le sens d’une chose religieuse : pour mieux dire, c’est un sacramental réservé par la
loi de l’hérédité aux héritiers du premier roi, Clovis, oint et baptisé par saint Remy, évêque de Reims.
C’est dans l’onction et le baptême du chef franc que le sacre des rois puise sa tradition séculaire et intangible. Clovis converti, la
France future devenait une chose possible. Un pacte solennel intervenait entre Dieu et le soldat de Tolbiac. Dieu donnait
la victoire au soldat : en retour, le soldat faisait l’acte d’adoration et de foi, et il accordait à l’Eglise et aux prêtres de ce
Dieu une place privilégiée dans l’Etat.
Ainsi se consommait le mariage mystique de la France et du Christ, ainsi s’unissaient la puissance des armes, la discipline romaine et la morale de Jésus pour l’accomplissement des destinées à quoi Dieu avait réservé notre patrie.
L’erreur commune à la plupart des manuels d’histoire destinés à l’enseignement primaire est de représenter le roi de France ainsi qu’un soldat élevé dans un esprit essentiellement militaire et pour des fins guerrières. Une erreur aussi grossière a son explication dans une volonté bien déterminée de fausser le jugement des petits Français et de leur inspirer la haine et l’horreur de la monarchie.
Au contraire, il ressort de la cérémonie du sacre que le roi est, avant tout, une personne religieuse, une manière de prêtre.
Aussi bien, nous verrons qu’au jour du sacre, le roi revêt un costume non point militaire, mais ecclésiastique, une tunique, une dalmatique, une chape qui sont proprement les ornements du sous-diacre et du diacre.
Le roi reçoit des onctions, comme les prêtres, il communie sous les deux espèces, il est investi d’une mission sacrée dont toutes les prières du sacre lui rappellent les grands devoirs.
Ce jour-là, il n’est pas question de guerre ni de conquêtes, mais de paix et de charité.
Pasteur dans son royaume à la façon de l’évêque dans son diocèse, le prince accomplira les fonctions dont le successeur de saint Remy est chargé de l’instruire : il fera le bien de son peuple, maintiendra les frontières de l’Etat, assurera à l’Eglise catholique la place privilégiée à quoi elle a droit, il sera le juge équitable, le défenseur de la vérité.
LES PRELIMINAIRES DU SACRE.
Le nouveau Roi se rend à Reims dans un carrosse où les princes du sang prennent place à ses côtés. Deux autres
carrosses, où sont les écuyers et les grands officiers de la Couronne, précédent la voiture royale.
Les mousquetaires et les gendarmes de la garde ouvrent le cortège, cependant que les capitaines des gardes marchent
aux portières du carrosse royal qu’entourent les valets de pied. Les gardes du corps et les chevau-légers viennent
ensuite. Le guet des gardes du corps et celui des gendarmes ferment la marche. Dans toutes les villes traversées, le Roi
est reçu au son des cloches et au bruit de l’artillerie, il reçoit les compliments des magistrats et les acclamations du peuple.
A Reims, le cortège passe sous des arcs de triomphe embellis de feuillages et de fleurs et suit la grande rue du faubourg
de Vesle, où sont rangées les gardes-françaises et les gardes-suisses, jusqu’à la porte principale de l’église métropolitaine.
Là se tient, entouré de son chapitre, l’Archevêque-ducs de Reims1 qu’assistent les évêques suffragants. Le
roi descend de carrosse et s’agenouille à la porte de la basilique, puis ayant baisé le livre des Evangiles, il écoute la
harangue de l’Archevêque, après quoi le chanoine grand chantre entonne le répons :
«Je vous envoie mon ange, pour qu’il vous précède et ne cesse de vous garder. Ecoutez Ma voix et suivez Mon
enseignement, et Je serai l’ennemi de vos ennemis, J’affligerai ceux qui vous affligent, et mon ange marchera devant
vous»
Le cortège entre alors dans l’église, en ordre de procession, le Roi est conduit à un prie-Dieu dressé sous un dais, au
milieu du choeur, et l’Archevêque appelle sur le nouveau monarque l’aide indispensable de Dieu :
«O Dieu qui savez que le genre humain ne peut subsister par sa propre vertu, accordez Votre secours à Votre serviteur
N... que Vous avez mis à la tête de Votre peuple, afin qu’il puisse lui-même secourir et protéger ceux qui lui
sont soumis».
Ensuite, la musique du roi et celle de la métropole chantent l’antienne à la Vierge, les psaumes 109, 110, 111, 116 et
113, et le Te Deum, tandis qu’au dehors retentissent les salves de mousqueterie.
La cérémonie se termine par la bénédiction de l’Archevêque, et le Roi se retire dans le palais archiépiscopal «paré
des plus superbes ornements de la Couronne», où il reçoit les hommages de l’Eglise de Reims et des différents corps de
la ville.
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