Cette surprenante annonce a été faite par le ministre des Finances, Taro Aso, également vice-Premier ministre nippon. Les personnes âgées représentent un coup économique important dans ce pays en crise. Appel au suicide, prisons pour pallier le manque de maisons de retraite, le Japon abandonne-t’il ses anciens ?
Tokyo veut décidément prendre la crise à contre-pied. Contrairement au Vieux continent, le gouvernement du conservateur Shinzo Abe a décidé de pratiquer une politique de relance de 175 milliards d’euros et compte sur une dépréciation du yen pour augmenter sa compétitivité. Si jusqu’ici les remèdes aux maux de la crise financière sont banals, le ministre des Finances va beaucoup plus loin.
Le Japon compte un tiers d’habitants âgés de plus de 60 ans, un gouffre financier dans une économie exsangue pour Taro Aso qui en appelle donc à la conscience de chacun, surtout les plus vieux de ses compatriotes. Il estime que les personnes âgées devraient avoir l’occasion de ne pas partir de leur « belle mort », ce qui serait une économie conséquente pour la société nippone.
Mourir pour alléger les « dépenses gériatriques »
« Que Dieu vous préserve de continuer à vivre alors que vous voulez mourir », a déclaré le ministre des Finances. « Je ne pourrais pas me réveiller le matin en sachant que c’est l’Etat qui paie tout ça pour moi ».
Il a précisé qu’étant lui-même âgé de 72 ans, il se ferait euthanasier par ses proches quand son temps sera venu. Belle ambiance. Il a directement visé les « gens pendus au bout d’un Baxter ». Traduisez ; une pochette de perfusion intraveineuse qui porte le nom de son créateur…
»La problématique des dépenses faramineuses en gériatrie ne sera résolue que si vous les incitez à se dépêcher de mourir ».
Dans une société où le concept de suicide doit être manipulé avec précaution, les paroles du ministre ont choqué. Les journaux nationaux ont fait leur Une sur cette consigne économico-morbide. Sacrifier les plus faible et les moins productifs ; une doctrine économique pour la dernière fois éprouvée par l’Allemagne de 1933.
Les retraités japonais en prison
Le Japon a connu un bouleversement sans précédent avec l’occupation américaine à partir de 1945. Une société ancestrale est passée quasiment sans transitions à une économie de marché ultra-libérale qui n’a pas tardé à ériger l’individualisme en étendard d’une société nouvelle. Le « respect des anciens » qui passait encore par une rémunération à l’ancienneté et le système de l’emploi à vie lui coûte trop cher tandis que la structure familiale solidaire s’est effondrée. De plus, de nombreux retraités japonais, à l’instar de certains travailleurs français, n’ont jamais réellement cotisé pour des pensions de retraite, privées ou étatiques.
Un phénomène aussi incroyable que choquant est apparu sur l’archipel nippone. L’augmentation de la délinquance chez les seniors. Un sombre reflet des difficultés économiques que connaît le pays depuis les années 90. La plupart des détenus âgés ont été condamnés pour des vols de nourriture ou de produits de première nécessité. Quasiment la moitié sont récidivistes. Certains se font prendre sciemment pour retrouver le calme et le confort relatifs de la prison, où trois repas quotidiens et deux douches hebdomadaires sont garantis sans parler de l’accès aux soins. L’univers carcéral a évolué en conséquences, des rampes remplacent les escaliers dans certaines prisons. Des unités gériatriques ont même été installées dans quatre pénitenciers…
Un célèbre proverbe chinois résume avec lyrisme ce paradoxe sociétal japonais, « Oublier ses ancêtres, c’est être un ruisseau sans source, un arbre sans racines. »
http://roadsmag.com/austerite-les-vieux ... 201308975/