Curieux. Par ailleurs, l'humanisme dans les prisons doit régner, c'est exact et indéniable mais trop d'humanisme tue l'humanisme et amène le laxisme. En l'espèce, je dis que l'accès à la télévision dans les prisons est beaucoup trop laxiste pour obtenir le résultat escompté par le juge lors de l'énonciation de son verdit.
Ceux qui parlent d'humanisme pour qualifier le régime carcéral au sein des établissements pénitentiaires n'ont certainement jamais dû visiter une prison de leur vie et n'ont probablement jamais non plus lu aucune étude sur la condition de détenu. Si la prison française s'est, en partie, réformée dans un sens plus humaniste à partir des années 30 (avec la suppression du travail forcé, des bagnes, puis de l'instauration des peines de sursis, des sorties conditionnelles et du TAP,...), l'institution en elle-même demeure avant toute chose un endroit de peine authentique aussi éloignée des fantasmes de camp de vacances entretenus par certains ignares que des missions attribuées par la loi depuis que la prison existe: réintégration de la société, resocialisation, réhabilitation morale,...jamais la prison n'est parvenue à réaliser ces missions au cours de son histoire, et ce n'est pas aujourd'hui que cela risque de changer alors que les systèmes pénaux incarcèrent de plus en plus de prévenus pèle-mêle des prévenus avec d'authentiques criminels dans les maisons d'arrêt pendant parfois de longues périodes. Pour parler un peu du régime carcéral et de la condition de détenu, il faut savoir que le détenu n'a accès aux biens et services autorisés au sein de l'établissement pénitentiaire qu'à la condition de pouvoir le payer...à la base un détenu arrive en centre de détention avec aucune possession hormis celles mises à sa disposition par l'administration pénitentiaire pour satisfaire ses besoins de base et cela en accord avec la loi de 2009; le reste est entièrement à sa charge, et ce y compris les produits alimentaires ou hygiéniques les plus basiques vendus par la cantine. Il faut savoir que près de 75% des détenus en France entament leur peine d'emprisonnement en étant situation socio-économique difficile ou critique (de mémoire je crois qu'ils sont 60% à se trouver en dessous du seuil de pauvreté, donc - de 800 euros de revenus). Dès lors l'argent peut venir de plusieurs sources: le travail, rémunéré en moyenne à 2 ou 3 euros de l'heure quand il ne s'agit pas de quelques cents la pièce fabriquée et disponible en offre très limitée; la famille, sachant que près de 90% des détenus n'ont plus de contacts avec celle-ci après leurs premières années d'emprisonnement; les codétenus, qui ne manqueront pas de faire repayer tout prêt ou utilisation des biens collectifs (comme la télé ou la radio) non-payés; les services d'assistance publics ou associatifs qui assurent le minimum vital pour les détenus...Nous sommes déjà bien loin des représentations de l'emprisonnement comme douce vie paisible. Après, il s'agit de meubler le temps de détention et de faire avec la vétusté et le sous-financement chronique des établissements pénitentiaires: si des activités existent, elles sont basiques et majoritairement organisées par des équipes mêlant associations extérieures et administration pénitentiaire; pour peu qu'un détenu n'aie pu décrocher un travail intra-muros il passera majoritairement son temps dans l'inactivité, en espace commun ou en cellule. Si certains tiennent plus longtemps que d'autres dans ce régime, ils finissent tous plus ou moins par craquer, d'une manière ou d'une autre, avec ou sans explosion...A ce titre, plusieurs études menées entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000 ont révélé que +- 60% développaient une pathologie mentale ou physique (de mémoire, je vérifierai les chiffres une fois de retour à mes ouvrages) au cours de leur détention. C'est ça la réalité de la détention. Et l'après détention est du même acabit: selon une étude menée en 1996 +-75% des détenus sortaient de prison et rencontraient au moins 1 problème majeur classique sur les 5 identifiés: généralement, aucune visite en prison et aucun accompagnement à la sortie, moins de 20 euros en poche à la sortie, aucun logement à la disposition (comptez +- 25-30%) selon chacune de ces catégories. La réalité de la prison c'est que c'est un lieu de peine lente et effroyablement efficace à broyer les corps et les esprits; l'Eglise du Moyen-Age ne s'était pas trompée lorsqu'elle estimait que le pire châtiment que la mort c'était le "Mur Perpétuel", l'enfermement interminable et pénible. Et ce ne sont que les points les plus visibles que j'ai évoqué ici; parallèlement il y a encore de nombreux autres points comme la déshumanisation progressive, la recomposition des rapports sociaux selon une infinité d'inégalités,...qui sont autant de composantes du choc carcéral.