En fait je me suis fait la réflexion aujourd'hui en assistant à un colloque sur la fin des cultes antiques :
- Auguste, après s'être emparé de l’Égypte, se fait proclamer pharaon. Il n'a ni plus ni moins de légitimité qu'Alexandre puis Ptolémée en le faisant. Si on considère les Lagides comme une dynastie pharaonique (ce qu'ils étaient pour tous les égyptiens), il n'y a aucune raison à l'exclusion des empereurs romains de la liste des pharaons, si ce n'est une tradition historiographique s'imposant sans qu'on ne la questionne.
- Ce qui confirme le statut de pharaon des empereurs romains, c'est en premier lieu que l’Égypte est une province unique dans l'empire. Le sénat n'a pas le droit d'y mettre les pieds, les magistrats républicains non-mandatés par le prince non plus : c'est sa propriété privée (parfois même comparée à une "métairie") qu'il défend avec ses propres troupes et fait administrer par un lieutenant qu'il est le seul à désigner. Comme c'est l'un des plus gros producteurs de blé méditerranéen, ça lui permet d'en tirer des ressources pour Rome. Mais il les lui offre en évergète, à titre privé. Sur le plan institutionnel, l'administration reste très largement ptolémaïque jusqu'aux réformes tétrarchiques à la fin du IIIème siècle. Il n'y a pas de "romanisation" des noms de magistrature par exemple.
- En second lieu, l'empereur est unanimement adoré comme Pharaon par les Égyptiens. Sans même qu'il soit demandeur : ainsi, malgré la haine toute religieuse des Romains pour les représentations mêlant des composants humains et animaux, Auguste a été représenté de façon monumentale, vêtu de sa cuirasse romaine, avec... une tête de faucon, tel Horus. Pendant des siècles les empereurs romains, quand ils sont représentés, le sont avec le chapeau caractéristique des pharaons (le nom m'échappe). En fait, le culte impérial n'existe pas en Égypte : il y est confondu dès l'origine avec le culte pharaonique de l'empereur.
- Si on admet tout cela (c'est sans doute discutable mais ça me semble à considérer), le dernier pharaon est, ou celui qui rend définitivement illégal le paganisme (Théodose Ier), ou le dernier empereur d'Orient à contrôler la région avant la conquête arabe, puisque le basileus continue d'être adoré à Constantinople et dans tout son empire comme un dieu vivant avec des rites empruntant à l'Orient et notamment à l’Égypte (il s'assoit même à côté d'un siège représentant le Christ, et non en-dessous, on est toujours dans la logique du souverain égal à la divinité). Bon, là les données archéologiques me manquent (je ne trouve rien sur le net) pour savoir si cela est encore vraiment le culte de pharaon. Dans ce cas, qui est tout de même le moins vraisemblable, l'empereur romain qui perd définitivement l’Égypte et fut donc le dernier des pharaons (les musulmans ne revendiquant jamais ce titre à ma connaissance, plutôt celui de César sous les ottomans) doit être Constant II.