De l'étude des archétypes féminins et masculins et de leurs influences sur le psychisme des peuples.
Du pourquoi des différences de concept envers la femme et la sexualité selon l'environnements etc etc etc.
Tiré du livre de Robert Dun "Les catacombes de la libre pensée", auteur au passé sulfureux.
Et après ?
La tentation la plus dangereuse pour un homme de réflexion
est de croire avoir trouvé l'explication unique d'un phénomène ou
d'un ensemble de phénomènes. Les marxistes, souvent si exacts et
réalistes dans leurs analyses, se sont déconsidérés par ce travers.
Les facteurs économiques ont toujours existé et eu leur importance ;
mais ils n'ont jamais été et ne seront jamais seuls. Or, le
déterminisme matérialiste et économique est une croyance commune
aux capitalistes et aux marxistes. Les deux systèmes prétendent
pouvoir réduire n'importe quoi, y compris la vie humaine, en termes
de valeur matérielle. Cela donne la philosophie du « Zéro et l'infini »
chez les marxistes et celle du « Tout est à vendre, ce n'est qu'une
question de prix » chez les capitalistes. De là leur impuissance
commune à cerner les raisons de l'effondrement interne de la
civilisation industrielle, à comprendre cette proclamation de Mai 68 : «
Nous ne voulons pas vivre mieux, nous voulons vivre autrement. ».
Nous nous garderons donc de poser l'influence des archétypes
et de leur dosage selon la géographie et le climat comme rendant à
elle seule compte des cultures et du déroulement historique. Ce
serait une autre vision également mécaniste déniant à l'homme toute
liberté, ou si l'on préfère tout conditionnement intrinsèque bio-
spirituel. Or ce dernier existe, faute de quoi tous les humain d'une
même région et d'une même époque seraient semblables. Notre
propos est au contraire de révéler un jeu grandiose des puissances
élémentaires, mais un jeu qui doit composer avec l'esprit et la volonté
de chacun, d'autant plus qu'il est découvert.
Du fait que les terres habitées présentent des dominantes
d'archétypes, mais jamais ceux-ci à l'état exclusif, nos constatations
ne doivent jamais être érigées en absolu et ne révèlent que des
tendances majeures. Alors que dans le monde entier les héritages
culturels sont bouleversés par l'esprit du melting-pot, générateur de
cohabitations impossibles, de haines sanguinaires, de refuges
précaires dans la drogue et l'abjection du show-business, notre but
n'est pas d'opposer les cultures en entités irréductibles les unes aux
autres. En dévoilant les ressorts insoupçonnés des différences, des
fanatismes et tabous qui en résultent, nous voudrions ouvrir la voie à
des synthèses culturelles cohérentes pour l'avenir, alors que tout le
baratin fraternitaire, tout « l'enrichissement réciproque des cultures »
dont nous abreuvent les carpettes des appareils médiatiques au
service du plus perfide racisme, de la plus paranoïaque des religions,
ne peuvent aboutir qu'à des compromis instables sur fond de
nihilisme et de fanatisme. N'oublions pas, en effet, que le fanatisme
est un refuge contre le nihilisme, un refuge certes précaire et que tout
regard subtil démasque vite comme le commencement de la fin.
« Comment peut-on être Persan ? » Toute la fatuité et toute la
myopie du monde tiennent dans cette question à laquelle, pour la
première fois, ce livre va tenter de répondre autrement que par un
exotisme de pacotille.
Pourquoi l'homme du désert fait-il peur ? Pourquoi depuis saint
Brendan les chrétiens parlent-ils des « démons vomis par l'Afrique »
? Pourquoi les imagiers chrétiens ont-ils représenté leur Diable sous
des traits sémitiques, sur des rochers de paysages désertiques ?
Laissons la parole aux archétypes.
Le Soleil, la Lune, la terre, la mer, les fleuves, lacs et sources,
la forêt, la montagne prennent des significations très différentes selon
qu'on les perçoit sous tel ou tel climat, dans tel ou tel contexte de
paysage, au sein de tel déséquilibre ou de son contraire, dans des
circonstances traumatisantes ou apaisantes. Aucun aspect n'est plus
« vrai » que l'autre ; tous sont relatifs à une situation.
Examinons d'abord le jeu des archétypes dans le monde
nordique. Le Soleil y est ressenti en mode de douceur ; ses rayons
sont agréables, même l'été et il délivre du froid, de l'interminable nuit
hivernale. Les deux plus grandes fêtes de l'année sont les solstices.
Celui d'hiver est la fête de la neue Helle, terme germanique signifiant
« nouvelle clarté » et que le français a déformé en Noël. Dans le
monde nordique, cette neue Helle n'est pas un jour, mais une période
de douze nuits saintes ( Weihnachten en allemand moderne ). Les
six jours qui précèdent le solstice sont la fête des morts et les six qui
le suivent la fête des enfants. Cette célébration de la croissance de la
lumière ( Epiphanie en grec ) qui suit son extrême déclin est donc
associée à la mort et à la naissance. Il y a de toute évidence un
parallèle ressenti entre l'alternance de la lumière et de l'obscurité et
celle de la vie et de la mort. La croyance nordique en la réincarnation
est un élément de religion solaire. Le professeur Karl August Eckardt,
de la Faculté d'Iéna, a écrit un remarquable ouvrage sur cette
question Immortalité terrestre, croyance germanique à la
réincarnation dans la descendance familiale. Cet ouvrage n'est
malheureusement pas traduit, mais la croyance qu'il évoque était si
forte qu'il était interdit de baptiser les enfants avant leur neuvième
jour, les traits jusque-là trop flous ne permettant pas de reconnaître
avec certitude l'ancêtre réincarné. Le professeur Herman Wirth, dont
nous sommes loin d'accepter toutes les conclusions, a néanmoins
solidement établi que les plus anciens graphismes nordiques sont
des arcs et des X symbolisant la course du Soleil. Odhinn, notre Père
Noël venu du Nord sur un traîneau tiré par des rennes, rappelle aux
adultes combien le monde des morts est vivant par les défilés de la
chasse sauvage ; puis il apporte des cadeaux aux enfants.
Le solstice d'été est la célébration du Soleil au sommet de sa
puissance alors qu'il fait descendre dans la terre et les êtres la
provision de chaleur qui leur permettra d'affronter victorieusement
l'hiver. Tous les peuples d'Europe ont un calendrier solaire.
Ressenti comme doux, le Soleil est féminisé, on dit en
allemand die Sonne. Mais il ne s'agit pas seulement d'un genre
grammatical. Un poème de Goethe est révélateur sur la perception
germanique du soleil :
« Ich bin die Mutter Sonne und trage
die Erde bei Nacht, die Erde bei Tage ... »
( Je suis la mère soleil et porte
la terre de nuit comme de jour ).
Le Soleil est donc présenté comme la mère universelle et le
poème précise pourquoi : le Soleil porte la Terre ; il en est le centre
de gravitation et l'attire par sa gravité. Or la gravité est une fonction
féminine d'attirance. Ce n'est pas sans raisons qu'on dit d'une femme
ou d'une femelle portant qu'elle est enceinte, ou gravide. Par contre,
le rayonnement est une fonction mâle.
On peut discuter à perte de vue pour savoir si la fonction yang
du Soleil, le rayonnement, est plus ou moins importante que sa
fonction yin, la gravité. Ce qui est indéniable, c'est que dans les
zones polaires le rayonnement est perçu moins puissamment que
dans les zones tropicales.
Au soleil-femme correspond la femme-soleil. Consciemment ou
inconsciemment, la femme nordique s'est identifiée à son astre. Elle
en devient fréquemment hystérique, autoritaire, abusive ; rappelons
en passant que l'hystérie est un besoin maladif d'attirer l'attention.
Les pays nordiques furent les premiers à donner le droit de
vote aux femmes. Les femmes écrivains y sont bien plus nombreuses
que dans les pays méditerranéens. Quatre des plus grands noms de
la littérature Scandinave contemporaine sont des femmes : Selma
Lagerlôf, Sigrid Undset, Karin Boye, Edith Sôdergran. Le caractère
envahissant de la femme américaine est bien connu et la population
blanche des USA est à forte dominante nordique. Le mouvement des
suffragettes est parti d'Angleterre. En Allemagne c'est la femme qui
assume le côté sévère de l'éducation. Elle évolue souvent en tyran
domestique qui persécute son entourage par son souci maladif de
propreté et l'enflure de son rôle de ménagère. Le professeur Henry
Ellenberger appelle cette maladie la Putzwut ( rage de nettoyer ). Des
mouvements comme le MLF en France sont sous-tendus par une
psycho-névrose nordique et une révolte contre la loi du désert.
Face à la femme-soleil, l'homme nordique réagit de diverses
manières. Il peut se réfugier dans une timidité que la femme-soleil
n'hésitera pas à bousculer pour obtenir une relation sexuelle. Il peut
tenter de se construire son monde personnel sans renoncer à la
femme, ce qui donne parfois des enfers conjugaux comme celui
décrit par Strindberg dans sa pièce le Père. Il peut se détourner
résolument de la femme, courant ainsi le risque d'homosexualité. Il
choisit souvent l'action dure et difficile, afin de dominer cette femme
qui prétend commander, contrairement à la loi universelle de
l'animalité. Même dans ce domaine de l'héroïsme, la femme nordique
a tenté sa percée. Certaines prirent l'initiative et la tête d'expéditions
maritimes. À la bataille d'Arles, les femmes cimbres et teutonnes
sabraient à la fois les Romains et les fuyards. Il y eut Jeanne d'Arc et
Jeanne Hachette. Les Amazones ne sont pas un mythe, mais une
réalité mythifiée. Un poème chinois du second millénaire avant notre
ère est révélateur. « Autant que le barbare, redoute la femme du
barbare. Debout sur ses étriers, elle tire les oiseaux en plein vol et
son œil bleu lance des éclairs. ». La grande révolte des femmes de
Diévine, dans la région de Prague, se situe sous la dynastie des
Potchemyls, il y a donc seulement un millénaire. Ces femmes étaient
en révolte contre la primauté masculine véhiculée par les influences
romaines et orientales. La guerre fut terrible et elles ne furent
finalement vaincues qu'avec l'aide d'un prince bulgare et de ses
troupes. Néanmoins, dans le domaine de l'héroïsme, l'homme
nordique se tailla la part du lion.
La Lune a eu un destin en accord avec celui du Soleil. Astre de
la longue nuit hivernale, du gel, elle est ressentie comme dure et
masculinisée ( der Mond ). Le grand vieillard à la lanterne de la
psychanalyse jungienne a pris le pas sur l'astre des amoureux. La
Lune est associée à la mort. Le bouclier s'appelle « la lune des
batailles ». Leconte de Lisie, un des très rares Français authentiques
connaisseurs de l'Antiquité nordique, situe la scène de son poème le
Cœur de Hjalmar au clair de lune. Un autre poème, d'Edith
Sôdergran, est significatif :
« Toutes les fleurs savent un secret que la forêt confirme : c'est
que le cycle de la Lune autour de notre Terre est la voie de la mort. ».
Les femmes méditerranéennes, au contraire, ressentent la
Lune comme la déesse de leur fécondité. Dans son ouvrage les
Mystères de la femme Esther Harding évoque la pratique antique des
bains de clair de lune pour guérir la stérilité. Il ne s'agit pas ici de dire
qui a tort ou raison mais de montrer une différence de perception.
Les deux ont raison, car la vie et la mort sont indissolublement liées,
étant l'une et l'autre des phases cycliques de l'éternité. Les Dayaks
de Bornéo savent ces choses : chez eux, la tête de mort est
l'emblème de la Lune et ils en offrent une aux jeunes couples comme
talisman de fécondité. La danse du ventre, souvent dégradée en
érotisme vulgaire, exprime aussi les cycles de la vie et un message
d'éternité à travers la femme.
Que nous révèle le jeu des archétypes sur les religions et les cultures
du désert ? Quelques constatations générales doivent précéder notre
étude.
Ernest Renan l'a déjà signalé : les peuples du désert sont les
seuls à avoir donné naissance à des religions monothéistes :
mazdéisme, judaïsme, islam. Monothéiste à l'origine, le christianisme
adopte la Trinité dans le monde gréco-romain, puis le culte mariai et
les saints dans le monde celto-germanique. Les Aryens de la Perse
désertique sont monothéistes : mazdéens, puis musulmans ; les
Aryens de l'Inde des fleuves et des forêts sont polythéistes. Les
religions du désert sont manichéennes, comme si seul existait le
contraste de l'ombre et de la lumière. Il y a d'un côté le Dieu du bien :
Mazda, Allah, laveh, de l'autre le dieu du mal : Angryamanous,
Satan, le Chitan. Ces religions véhiculent un fanatisme orgueilleux :
même si leurs fidèles ne font pas de prosélytisme, comme les juifs et
les parsis, ils sont néanmoins les seuls justes, les croyants de
l'unique Vraie Foi.
Examinons le jeu des archétypes en pays désertique. Comme
partout, nous rencontrons l'air et la terre. Mais le feu solaire,
l'archétype mâle dur y exerce une puissance destructrice, tandis que
l'eau, l'archétype féminin doux, y est rare ou même absente.
L'omnipotence du feu solaire trouve son reflet religieux dans les
monothéismes dominés par un Dieu jaloux, autoritaire et exigeant. Le
reflet politique du monothéisme est la monarchie orientale, absolue et
de droit divin. Le reflet social en est le patriarcat ; seul le père est
personne civile. Quand on rencontre un inconnu on ne lui demande
pas qui il est, mais de quelle maison il est. Le Code chaldéen
d'Hammourabbi contient un stupéfiant article, révélateur de la
concentration de la personnalité dans le père : « Si un homme a tué
le fils de son voisin, on tuera son fils. ».
Exclue du divin, la femme se trouve dévalorisée et la poésie
sémitique croit lui faire beaucoup d'honneur en la comparant à un
animal gracieux ou en louant ses vertus ménagères.
Mohammed, le fondateur de l'islam, a tenté d'adoucir ces
duretés du psychisme du désert. Il a interdit de jeter les filles
nouvelles nées dans les puits et d'avoir plus de trois épouses. Mais il
a échoué au moins sur le second point. Contrairement à la tradition
monarchique du pouvoir, il a voulu que les khalifes soient élus. Mais
son gendre 'Ali a rétabli le khalifat héréditaire et les kharédjites qui
ont tenté de maintenir 1a loi du Prophète ont succombé sous le
nombre. Le Coran stipule que même un khalife doit s'incliner si un
mendiant lui fait remarquer qu'il viole la loi coranique. Mais devant les
potentats orientaux d'hier et d'aujourd'hui, qui pourrait risquer une
telle remarque sans la payer de sa vie ?
L'islam est basé sur le sentiment de la complète insignifiance
de l'homme face à Dieu. Il enseigne l'imprévoyance irresponsable.
l'abandon total à la Providence ; cet abandon est même le sens
étymologique du mot islam. Nous avons donc bien à faire à une
doctrine d'écrasement par le Soleil. Le musulman n'a même pas droit
à une réserve de nourriture pour quelques jours chez lui. Le Dieu de
l'Évangile qui « donne leur nourriture aux petits oiseaux » exprime la
même démission de l'homme et la même folie. Cet abandon, ce
fatalisme sont la partie de la doctrine coranique qui a donné sa
coloration essentielle au monde musulman, ou plutôt celle qui a été
acceptée parce que ne changeant rien aux habitudes de pensée et
de vie. Comme nous venons de le voir, les éléments contraires au
psychisme du désert se sont trouvés immédiatement éliminés.
Soumis de façon excessive à l'influence de son archétype, le
mâle du désert est sexuellement survolté. On a d'ailleurs découvert
chez les Sémites un chromosome mâle supplémentaire et plus gros
que les autres, appelé chromosome Y ou chromosome d'Abraham,
ce qui tendrait à montrer que le jeu des archétypes intervient jusqu'au
niveau génétique.
La femelle, au contraire, subit insuffisamment l'influence de
l'archétype féminin doux, de l'eau trop rare. Elle a un instinct maternel
normal, mais souffre fréquemment de frigidité totale ou partielle. Face
à un mâle très demandeur, elle se trouve donc en position de force et
compense sur le plan conjugal la dévalorisation subie sur le plan
social à partir du plan religieux. Plusieurs étudiants musulmans de
pays socialistes nous ont affirmé que si tant des leurs épousaient des
Européennes, cela était dû à deux faits : d'une part le prétendant
paye une lourde redevance à la famille de sa future épouse avant de
pouvoir conclure le mariage ; d'autre part la femme pratique
fréquemment la prostitution conjugale, c'est-à-dire qu'elle exige un
cadeau à chaque relation sexuelle. Ces deux véritables impôts sur le
sexe dévoilent la faiblesse du mâle dans la relation intime. Or toute
faiblesse est ressentie comme coupable. L'homme du désert a tenté
de surmonter cette situation humiliante en exerçant sur la femme une
sévère tyrannie domestique. Le proverbe arabe qui conseille : « Bats
ta femme trois fois par semaine ; même si tu ne sais pas pourquoi,
elle le saura. » n'est pas une plaisanterie. Il y a dans le couple
musulman une grande fréquence de la relation sadomasochiste, le
sadisme de l'homme provenant de sa position de faiblesse dans la
relation intime et l'acceptation masochiste de la femme de sa
tendance frigide. Ne se sentant pas fortement désiré, n'ayant dans le
meilleur des cas qu'un bel animal comme partenaire, l'homme reste
en état d'insatisfaction qualitative, ce qui aggrave encore son
obsession et la pathologie de la situation.
L'homme du désert a tenté de surmonter cette dernière par des
mesures draconiennes. Les tabous alimentaires contre le porc et les
« animaux à pied fourchu », c'est-à-dire les rongeurs, ne sont pas un
hasard : ils frappent la chair des animaux les plus forniqueurs et les
plus prolifiques. Remarquons en passant que les peuples et les
fondateurs de religion n'ont pas attendu les macrobiotistes pour
savoir que, dans une certaine mesure, l'homme est un produit de ses
aliments. La circoncision est une défense contre l'irritabilité excessive
des instincts sexuels masculins. L'excision ( ablation du clitoris )
répandue en Arabie et dans l'est africain, même non musulman vise
à combattre la masculinisation de la femme. Bien que le résultat
principal soit la frigidité, le but conscient et avoué de l'opération est
de retirer à la femme son embryon de masculinité. Quand, en Mai 77,
deux Parisiennes furent fouettées à mort au Yémen pour crime
d'impudicité ( elles avaient été vues en maillots de bain à la piscine
privée du Premier ministre, exécuté lui aussi ), leurs cadavres furent
triomphalement mutilés par les émeutiers qui voulaient ainsi les punir
de leur audace ( l'audace est une vertu masculine ). L'épilation du
sexe chez les femmes musulmanes relève du même souci que
l'excision.
Pour se délivrer du sentiment de culpabilité dérivé de sa
faiblesse, le mâle du désert a tenté un transfert de responsabilité. Il a
érigé Eve en tentatrice, alors qu'elle n'est qu'objet de convoitise et
que même lorsqu'elle se comporte en « allumeuse » elle ne fait que
se défendre contre la dévalorisation dont elle est victime. On peut
mentir à tout le monde, mais non à soi-même, en tout cas pas à son
inconscient. Le Sémite a senti le besoin d'exorciser cet énorme
mensonge envers soi-même et a créé à cette fin le rite du bouc
émissaire. L'animal chassé chaque année au désert chargé de tous
les péchés d'Israël n'était pas une chèvre, mais un bouc, archétype
de la sensualité masculine.
Avec la femme, c'est toute la sexualité qui a été démonisée. Le
cochon de saint Antoine du désert, dont on continue à parler dans le
peuple sans savoir ce qu'il signifie, est l'obsession sexuelle des
insatisfaits de l'amour. Le mythe de Don Juan est né en Espagne,
pays sec et fortement arabisé. Or Don Juan est le type même de
l'obsédé parce qu'insatisfait. Et Nietzsche aura bien raison d'écrire
après dix-neuf siècles d'échecs de l'ascétisme judéo-chrétien : « Où
trouver plus d'ordure qu'auprès des saints du désert ? Autour d'eux
ce n'est pas le Diable qui danse, c'est le porc. ».
Cette démonisation du sexe n'a hélas pas échoué. Elle est
devenue une maladie dont nous sommes tous plus ou moins atteints.
La preuve en est que nos défoulements et révoltes se sont produits
et se produisent encore à travers un langage ordurier. Quand nous
traitons quelqu'un de couillon, de con, de putain, nous parlons le
langage des religions du désert. Nous oublions que les prostituées
étaient des femmes jadis hautement estimées et respectées, comme
le sont les geishas japonaises, comme l'étaient encore les « hôtesses
d'accueil » des villes riches dans l'Allemagne de Charles Quint, ce
que l'écrivain Fernau a pu établir sur la base d'archives municipales
et raconte avec verve dans son ouvrage Et ils n'avaient pas honte...
La Renaissance aurait sans doute balayé définitivement l'entreprise
chrétienne de démonisation du sexe si le clergé n'avait pas eu un
allié inattendu, la syphilis, apparue après la colonisation de
l'Amérique du Sud.
Loin d'être fondamentalement pervers et porteur d'imbécillité, le
sexe est au contraire, dans sa violence irrationnelle gardienne de la
vie, une protection contre le dessèchement rationaliste et une porte
ouverte sur les plus vastes perspectives spirituelles, au-delà des
illusions de l'individualité. Ceux qui osent aimer vraiment sans
réticences découvrent dans le sexe le refuge contre la mort et
l'appréhension de l'éternité. Cette libération est le contraire de la
chienlit actuelle. Elle est sévèrement exigeante quant au partenaire, à
l'ambiance, aux circonstances de l'intimité. Elle est le pôle totalement
opposé au sex-show, à 1'unisexe, aux transes hurlantes et à
l'homosexualité.
Un autre aspect négatif des religions du désert est la perte de
la conscience du temps cyclique. Cette perte est peut-être due à la
relative monotonie des saisons dans les déserts tropicaux. Mais nous
ne sommes pas en mesure de l'affirmer, car le cycle lunaire et le
cycle des jours et des nuits restent clairement constatables. Pourtant
la dégénérescence de la conscience du temps est manifeste dans les
religions du désert. Comparé aux kalpas indiens, aux soleils
aztèques, aux âges d'Hésiode, à la mythologie nordique, le temps
biblique est risible. Bien sûr, les théologiens modernes interprètent
les « Jours ». Mais malgré les précisions de l'astronomie, de la
géologie, de la paléonthologie, de l'archéologie, les témoins de
Jéhovah continuent à nous affirmer sans rire que la Terre n'a que
quelques milliers d'années d'existence. Or cette secte est un produit
typique des religions du désert.
En effet, celles-ci sont également possédées de la maniaquerie
du point final, de l'événement définitif. Les témoins de Jéhovah
recrutent par la promesse de l'accession imminente des « justes » à
une immortalité de la chair dans un paradis où les enfants pourront
jouer avec des fauves devenus herbivores ( les plantes, ça n'a pas
d'âme, donc on peut les manger ). Pour tous les chrétiens, Jésus est
le fils unique de Dieu ( bien qu'il se soit nommé lui-même Fils de
l'Homme ), et il assure seul le salut de l'espèce humaine. Mohammed
est le sceau des prophètes, c'est-à-dire qu'il en clôt la liste ; tous les
oulémas ( docteurs de la loi musulmans ) sont d'accord sur cette
interprétation ; donc tous ceux qui postérieurement à Mohammed se
poseront en prophètes seront des imposteurs, des agents du Chitan,
un peu comme l'Antéchrist ... Les fidèles du juif Karl Marx, eux-
mêmes enfants du paradis définitif post-mortem du christianisme
judaïsé chantent « la lutte finale ». Si admirablement honnête par
ailleurs envers le judaïsme, Karl Marx n'a pas déjoué le piège du
définitif* . À cette illusion répondent la vision de devenir perpétuel du
monde nordique, le « Stirb und werde » ( meurs et deviens ) de
Goethe, la verve ironique de Nietzsche : « Les révolutionnaires me
font bien rire : ils veulent tous que leur révolution soit la dernière. ».
Le monde nordique ne cherche pas le définitif hors du monde et il vit
dans le temps cyclique que Nietzsche vient de nous restituer. Il ne
fuit pas dans un paradis, car pour lui la Terre n'est pas une vallée de
larmes et il n'a pas de mur des lamentations. Au contraire, l'Edda
désigne le monde comme le « moulin du joyeux » ou « moulin de la
grande chanson » ( Frohdismolle, Grottsongrmolle ).
* Le cornichon d'honneur à propos de cette idée revient à Jean-Paul
Sartre pour sa phrase: «Le marxisme est l'horizon indépasable de la
pensée humaine.».
L'examen de leurs tares et qualités spécifiques montre que les
cultures sont liées à des aires géographiques et que le mondialisme
contemporain est une folie d'ignorants et de brasseurs d'abstractions.
Dans la mesure où elle est possible, la paix ne peut être assurée que
par des penseurs de haut niveau capables à la fois de respecter les
différences et d'en relativiser la signification.
Par les religions du désert, nous avons perdu l'appréhension de
la vérité la plus fondamentale pour l'intelligence de l'univers ( celui qui
n'a qu'une face, le monde des sphères analogues dans lequel ce qui
est en haut est comme ce qui est en bas ). Cette vérité est aussi
simple qu'inépuisable : le temps est le père de l'espace, mais
l'espace est la mesure du temps. C'est cette vérité que Gurnemanz
tente de faire percevoir à ParsifaI lorsque celui-ci arrive au Burg de
Montsalvat. Gurnemanz prononce alors cette phrase mystérieuse : «
Ici le temps devient espace. ». Mais ParsifaI n'est pas mûr pour une
telle révélation. Il va stupidement perpétrer le meurtre du cygne, du
pur esprit d'amour qui pénètre tout, de la Dame du chevalier.
La perte de la conscience du temps cyclique est encore plus
tragique que risible. Le temps cyclique équilibre l'homme en
relativisant les tragédies de sa destinée et en supprimant la barrière
infranchissable entre la vie et la mort. Au contraire, l'homme du
temps rectiligne se ressent comme un esquif absurde entre deux
abîmes infinis : le passé et l'avenir. Il ne peut que nier la valeur du
présent par une plongée dans un ascétisme visant à un paradis post-
mortem, ou se saouler avec frénésie de ce présent pour échapper à
l'angoisse d'un avenir incertain, à des énigmes lancinantes.
D'innombrables chrétiens ont choisi la première démarche, la
civilisation de la société de consommation la seconde.
Dominé par un Dieu et un roi dont les autorités sont sans
partage, l'homme du désert cherche un refuge à sa dignité dans la loi
de son Dieu qui, elle au moins, est sans tricherie, sans arbitraire
imprévisible. Cette identification fait le révolté indomptable qu'aucun
tribunal, aucun bourreau ne fera plier. Infimes par le nombre, les
martyrs chrétiens s'expliquent pourtant ainsi. Houston Stewart
Chamberlain, gendre de Richard Wagner et penseur peu tendre
envers les juifs, constate que ce n'est qu'en Israël que des hommes
de petite condition ont osé se planter devant les rois et les traiter de
voleurs. Quand l'homme du désert se sent habité de l'esprit de justice
et en accord avec son Dieu, plus rien ne le fait reculer.
Contrairement à cette exaltation, l'homme nordique peut
affronter les pires situations avec calme lorsqu'il a pris les risques
calculés en vue d'une action. Mais sur le plan des principes il est
plutôt inconsistant et apte aux compromis. Son sens des valeurs est
plus intuitif et sentimental que raisonné et spirituel. La longue et
tragique histoire des marchandages entre les rois germaniques
païens et l'Église romaine illustre abondamment notre affirmation.
Qu'en pensez vous
?