http://ilikeyourstyle.net/2012/11/07/le ... s-valeurs/
La victoire démocrate n’est pas celle d’Obama, icône pratique mais sans vertu autre que médiatique.
La gagnante c’est Hillary Clinton.
La stratégie qui a gagné est la sienne : obliger les candidats républicains à faire retour sur des « valeurs » sociétales conservatrices, retour qui les empêche de mettre en avant clairement les problèmes économiques et les condamne à rester minoritaires en dehors d’élections locales, cela seulement de loin en loin et de moins en moins fréquemment — car Todd Akin a été battu assez sèchement dans le Missouri douchant une nouvelle fois les enthousiasmes fallacieux des observateurs pro-vie français de la politique américaine.
Obliger les républicains à évoquer à chaque élection une remise en cause du droit à l’avortement est le cœur de cette stratégie Clinton. Et à chaque fois, mécaniquement, une partie des femmes et des républicains modérés se déplace vers le candidat démocrate, faisant l’appoint pour trouver une majorité. Stratégie qui s’étendra demain au mariage gay, à l’immigration latino, et d’autres sujets viendront : il s’agit de pousser des pions pour obliger les républicains à dire qu’ils remettront en cause par idéologie un certain nombre de mesures qui font la vie la plus quotidienne d’électeurs de plus en plus nombreux. La vraie politique démocratique se fait par le bas.
L’économie peut aller mieux un jour. Même avec Obama. Mais à quoi servira un mieux économique à un jeune couple dont la femme ne pourra plus avorter et sera chargée d’enfants à élever au delà de ce qu’elle désire et peut assumer ?
Caricature ? en partie sans doute. Mais cela ne fait que répondre à des caricatures symétriques. Et surtout ça marche : tout candidat républicain à la présidence qui évoque avec un peu de précision une remise en cause de l’avortement se fait battre, parce que trop d’électeurs médians susceptibles de tomber dans un camp ou dans l’autre ont à perdre à un éventuel retour de ces « valeurs ».
On peut d’ailleurs souligner que George W. Bush avait toujours été assez ambigu pour laisser entendre que malgré une opposition personnelle à l’avortement et quelques points de tension comme l’avortement par naissance partielle, il ne remettrait pas en cause l’arrêt Roe v. Wade de 1973, fondateur du droit à l’avortement aux États-Unis : la droite du parti républicain, celle qui vient de perdre face à un Obama affaibli en s’imposant à un Romney qui avait dû la flatter pour obtenir l’investiture, le lui a assez reproché à l’époque…
La droite française engagée dans le piège d’une ghettoïsation dans des « valeurs » comparables devrait y penser au delà d’une possible demi-victoire tactique sur « la dénaturation du mariage », précisément au moment où certains prétendent, pour conquérir l’UMP, qu’il faudra remettre en cause ce mariage « pour tous » s’il est adopté : une minorité autistiquement arc-boutée sur ses valeurs peut prendre un parti, mais elle ne peut pas faire une majorité dans le pays. Il n’y a pas de raison pour que les socialistes français ne cherchent pas à en profiter aussi bien que les socialistes américains, surtout aujourd’hui où ces socialistes français vont se trouver en quête d’une stratégie de rechange à la diabolisation d’un parti droitier numériquement important extérieur à la droite parlementaire. Certaines déclarations d’une Vallaud-Balkacem semblent prouver qu’ils ont bien compris combien un boulet ultra-conservateur interne à l’UMP serait une solution de rechange pratique, en éloignant durablement les électeurs modérés lors des choix cruciaux.
Dramatiquement vrai. Contre les avancées sociétales = réac = contre l’avortement. Le combo magique qui est en train d’être remis au goût du jour. Fonctionne parfaitement sur l’électeur et particulièrement l’électrice de droite. La façon dont le sarkozyste moyen a perçu Romney et se « prononce » pour Obama est fantastique, sur ce seul et unique sujet.
J’ajouterai que le piège est particulièrement vicieux : plus l’ »avancée sociétale » relève de la dinguerie la plus délirante, plus le « conservateur » doit réexpliquer des évidences depuis le début, voire refaire le débat nature-culture à lui tout seul, donc patauger, frôler les contradictions, s’exposer aux caricatures. Plus c’est gros plus c’est profitable.