Commence alors un ballet de fournisseurs invraisemblable. Location d'un lit médicalisé . Achat d'un matelas, d'un pied de perfusion à roulettes, d'un fauteuil roulant, le tout prescrit et remboursé car la patiente bénéficie d'une couverture totale. Deux fois par jour des aides-soignants se relaient pour les soins quotidiens (toilette, oxygène, perfusion sous-cutanée) pendant dix jours, en réclamant sans cesse la carte vitale de la patiente plongée dans un semi coma, pour remplir des papiers obscurs et faire livrer un nombre extravagant de caisses de matériel de perfusion, pansement, etc, empilées contre le mur de sa chambre en pure perte, mais il s'agit visiblement de faire tourner la machine à consommer.
La dernière nuit le vieux médecin constate l'arrêt des fonctions respiratoires et apprend avec stupeur qu'il ne peut même pas établir lui-même de certificat de décès. Un jeune homme issu d'un organisme privé se déplace à six heures, signe les papiers, ne réclame, par pudeur, aucun paiement à son vieux collègue. Mais la pudeur a des limites : il réclame l'embout de la dernière seringue aux fins d'analyse, afin de vérifier si par hasard il n'a pas abrégé de quelques heures les souffrances de sa femme.
Un organisme vient prendre livraison du matériel le lendemain, les caisses repartent chez la pharmacienne, le fauteuil roulant ( 1650 euros, neuf, prescrit et livré dans l'heure) est cédé gratuitement au livreur qui le remporte, qui réclame une décharge mais qui n'a pas perdu sa journée. Au total, en quelques semaines la Sécurité sociale aura été flouée en maintes occasions (coût des dix jours à domicile 6500 euros), la Carte vitale de la morte sollicitée jusqu'au délire, le matériel inutilisé détourné vers un circuit parallèle, le patient traité comme un objet de profit et le conjoint médecin comme un agent perturbateur, animé de principes d'un autre âge, principes auxquels il aimerait, néanmoins, rappeler ses jeunes collègues parce qu'ils se rassemblent sous le joli nom d'humanité.
Travaillant moi-même en soins à domicile, j'ai constaté quelques invraisemblances dans ce récit.
- Les AS ne peuvent intervenir seules si présence d'une perfusion SC. Il faut une infirmière pour perfuser chaque jour la patiente.
- Les AS ne remplissent pas de "papiers" et ne font pas livrer de matériels => Les matériels livrés sont , en tout cas en SSIAD, ceux prescrits par le médecin traitant.
- " il réclame l'embout de la dernière seringue aux fins d'analyse" => trés peu probable.