"Vous n'êtes pas en danger ici". Goguenard, le principal-adjoint du collège Sonia-Delaunay de Grigny accueille vendredi matin les nouveaux professeurs de cet établissement situé en zone sensible.
Cela fait trois quarts d'heure que cet ex-prof d'EPS parcourt l'éventail des conflits - du bavardage à l'agression violente - que ces onze jeunes profs, devront peut-être affronter dans cet établissement situé à mi-chemin entre Grigny 2 et de la Grande-Borne dans l'Essonne, deux cités sensibles.
Dans ce collège les premiers jours de cours ont été remplacés par une "semaine de rentrée citoyenne". Histoire pour les enseignants et les élèves de "poser les règles du vivre ensemble".
Le collège, qui scolarise 460 élèves, dont des jeunes du centre-ville, n'est pas à proprement parler un "établissement ghetto". Il bénéficie de moyens supplémentaires grâce à la labellisation ECLAIR. Mais il traîne une "mauvaise réputation", concède la principale Fabienne Lajaunie qui a eu l'idée de cette "semaine citoyenne".
"On accueille un public fragile, culturellement, économiquement, socialement et comme tous les gens fragiles, ils peuvent basculer dans la violence", détaille ce chef d'établissement de 39 ans.
Au programme de la semaine: des ateliers danse, théâtre, philosophie, l'accueil d'intervenants de la SNCF ou de la mairie, des flash-mobs dans la cour de récréation pour les élèves et pour les enseignants, une visite de Grigny en bus avec une promenade à la Grande Borne, cité régulièrement à la Une des médias mais avant tout lieu de vie de certains élèves.
"S'apprivoiser" "En changeant la rentrée, on veut que l'année scolaire parte avant tout sur des valeurs humaines, affirme Anthony Peter, professeur d'arts plastiques et déjà, à 32 ans, un ancien de Sonia-Delaunay auquel il ne cache pas son attachement après plusieurs semaines. "On cherche à s'apprivoiser et on veut montrer qu'on est là pour eux et qu'en échange aux aussi, doivent être là pour faire leur métier d'élève."
Ouverts, disponibles mais fermes sur la discipline, les enseignants encadrent des ateliers où sont abordées les préoccupations des jeunes comme le racisme ou la violence et durant lesquels les échanges fusent.
Dans un atelier "philo", c'est le thème de la cité qui est ainsi retenu par des élèves de 5e et tout y passe. La cité? "C'est la police", "il y a de la drogue", "il y a des émeutes", "on se connaît tous", "il y a beaucoup d'origines", "la cité, c'est trop cool", etc.
Selon la principale, cette semaine citoyenne doit servir de base à l'année scolaire, notamment pour la communauté éducative: "La bienveillance, c'est le maître mot de l'autorité."
L'initiative semble plaire aux nouveaux arrivants qui rejoignent une équipe jeune et à l'évidence très soudée. "C'est une très bonne entrée en matière. Ca nous met en condition et nous permet d'exclure les a priori", se félicite Charlotte Defillon, professeur d'espagnol, 27 ans.
"La visite de la cité, ça va m'aider avec les gamins pour comprendre leur quotidien. C'est positif", avance Carole Ouattou, professeur de lettres.
Cette première rentrée citoyenne portera-t-elle ses fruits? Fabienne Lajaunie en est convaincue: "On va être les meilleurs cette année!"