Lui : Qu'est-ce que vous lisez là qui est défait et déplumé comme un livre d'amour ?
Elle : Un livre d'amour.
Lui : Page 250. Vous avez eu raison de l'éplucher de ses feuilles extérieures. Le difficile est de finir, c'est toujours la même chose, la mort ou la sage-femme.
Elle : C'est toujours trop long. Un écrit d'amour, cela devrait être si soudain qu'une fleur, par exemple, un parfum, vous voyez bien que l'on a tout eu, qu'on a tout, que l'on aspire tout d'un seul trait, que cela vous fit faire ah ! seulement ; un parfum si droit, si prompt que cela vous fit sourire seulement, un petit peu : ah ! et voilà que l'on est parti !
Lui : Ce n'est pas une fleur que l'on respire.
Elle : L'amour ? Nous parlions d'un livre. Mais l'amour même, ça, je ne sais ce que c'est.
Lui : Eh bien, ni moi non plus. Cependant je puis comprendre...
Elle : Il ne faut pas comprendre, mon pauvre monsieur ! Il faut perdre connaissance.
Paul Claude - Partage de Midi