"On peut être pauvre et chômeur dans une cité et être bien éduqué"
Alors qu'Amiens se remet à peine de longues nuits de heurts entre policiers et jeunes casseurs, notre contributrice SuperPinkRabbit pousse un coup de gueule. Selon elle, rien ne sert de blâmer l'Etat pour la situation dans les cités. Il faut responsabiliser les parents.
"Ce qu'il manque aux gars en bas de chez moi, ce n'est pas l'argent ou le travail. C'est une éducation, de la morale, de la dignité", estime notre contributrice.
J'habite dans une cité, une de ces cités où la police évite de se rendre, une de celles où l'on ne voit pas de femmes chauffeurs de bus (et d'ailleurs ça fait des années que les contrôleurs de bus n'entrent plus dans la ville, ils sortent un arret avant), une ville à tours de 17 étages, bien cosmopolite, à fort taux de chômage, une ville où l'on brûle les voitures la nuit (surtout à certaines dates), bref, une cité quoi.
« Ce qu'il manque, ce n'est pas l'argent ou le travail, mais une éducation, de la morale, de la dignité »
Donc, en bas de chez moi, c'est guerrilla urbaine, deal divers, capuches, bruit, danger (et encore, je suis dans un coin plutôt tranquille de la ville je dois dire). Je me permets d'attirer l'attention de ces messieurs-dames sur deux ou trois choses que j'ai observé durant ces années, du haut de mon 4ème étage.
La première, c'est que ce qu'il manque aux gars en bas de chez moi, ce n'est pas l'argent ou le travail. C'est une éducation, de la morale, de la dignité. Et ça vous voyez, l'Etat ne peut pas le donner, c'est aux parents d'éduquer leurs enfants. Et les parents, dans les cités, s'il y'en a qui devraient avoir la médaille du mérite chaque jours (et les enfants de ceux-là sont souvent des djeuns très bien), y'en a d'autres qui, très clairement, ne valent pas grand chose.
Exemple 1: en bas de chez moi, y'a un panneau "jeux de ballons interdits". Ce n'est pas pour priver les gamins de jeux, dans la ville, y'a des aires de jeux partout. Non, c'est parce que ça résonne dans tout le quartier - les portes d'entrèes sont en verre, les vitres des premiers étages aussi. C'est donc un panneau fort honorable.
Combien de parents le font respecter à leurs enfants? Combien expliquent par A+B à leurs enfants que c'est un bon et gentil petit panneau? Combien de parents jouent au balon avec leurs enfants devant le-dit panneau? Moi, mon plus petit frère, à 8 ans, a cru qu'il pouvait jouer au ballon là en bas. Puni de balon une semaine! Et maman l'a fait arréter devant ledit panneau pendant la même semaine tous les jours. Ne vous inquiétez pas: depuis, on n'a plus jamais eu le problème!
« Combien de parents apprennent à leur enfant à ne pas saccager les herbes? »
Exemple 2: La ville - et là je dois reconnaître qu'il y'a un vrai effort depuis des années - plante religieusement des carrés de verdure partout où elle le peut, et des arbres, et des arbustes, et même ... des fleurs! Problème: combien de parents apprennent à leur enfant à ne pas saccager les herbes? Combien empêchent leur enfant de massacrer le piti narbuste qui essaie de pousser? Combien empêchent leurs chères têtes blondes de déraciner l'herbe qui vient d'être plantée? Trop peu.
Conclusion: la ville est obligée de grillager le moindre brin d'herbe!
Ces parents-là apprennent à leurs enfants à ne pas respecter l'autorité, le bien public, la paix du voisinnage. Pas de surprise: en 10 ans, ça fait des enfants irrespectueux de tout, et de l'autorité en premier lieu.
Ce n'est pas la faute de l'Etat.
Exemple 3: qui dit cité dit promiscuité. Et dit que le moindre bruit raisonne sur les murs trop proches. Combien de parents apprennent à leur enfants à ne pas hurler comme des sauvages, surtout passé une certaine heure? Combien obligent leur chers et insupportables ados à ne pas mettre la musique à fond, fenêtres ouvertes, toute la journée? Comment va-t-on expliquer à des enfants à respecter le voisinnage quand on est soi-même assis sur les bancs en bas jusqu'à 1h du matin, à rire à en fendre les pierres, et que l'on hurle haine et mépris aux moindre voisin qui demande un petit peu de calme?
Exemple 4 y'a 4 ans, mon frère s'est mis au rap local. Il me crache donc sa haine de l'Etat qui laisse crever les djeuns dans l'oisiveté, dans des batiments morts et délabrés. Je ne suis pas d'accord à 100% , je lui prends donc cet exemple: il y'avait un coin de la ville particulièrement réputé pour son délabrement. La ville a donc tout fait refaire à neuf. Je l'ai vu de mes yeux - c'était il y'a 7 ans. Bâtiments quatre étages nickels, couloirs, escaliers, boîtes aux lettres, verdure... Tout au mieux, vraiment. Je repasse dans le coin, quatre ans après: zone dévastée, excrêments dans les entrées, plus de boîtes aux lettres, plus de portes dans les entrées, odeur intenable...Bref, il ne reste que les portes blindées. C'est la faute de l'Etat? C'est l'Etat qui fait ses besoins dans les entrées? C'est l'Etat qui dévaste les boîtes aux lettres?
Non mon frère: s'ils ne pissaient pas dans leurs couloirs, leurs couloirs seraient propres.
Je me suis laissée entraîner à écrire sur un mur avec une peau de Babybel. Ma mère m'a fait nettoyer toute la nuit.
Moi, quand j'avais 7 ans, je me suis laissée entraîner à écrire sur un mur du hall d'entrée avec une peau de Babybel bien rouge. Ma mère m'a fait nettoyer le mur toute la nuit. J'ai appris à respecter l'endroit où je vis. Mais en même temps, j'ai vu ma mère laver elle-même l'étage une fois par mois - à cette époque là, on n'avait pas de gardien pour nettoyer à notre place. C'était chacun notre tour, alors tout le monde faisait attention.
Dans ma famille, c'est un grand classique: mère célibataire, cinq enfants, petite paie, bataille pour pension alimentaire, trois frères métisses qui ne valent rien en cours, et donc deux au chômage, élevés dans une cité dortoir réputée.
Mais chez nous, maman n'a jamais rien lâché sur l'éducation, la morale, la dignité, le respect même du dernier de nos voisins. Tu aides la dame à monter ses courses, tu tiens le caddie quand tu es dans le magasin (lâche le caddie ou essaie de te rouler par-terre en hurlant que tu veux un paquet de bonbons, juste pour voir!), tu ne joues pas au ballon là où c'est interdit. Si tu ne fais rien en classe tu fiches la paix aux prof, tu ne te mets pas une capuche sur la tête comme si tu avais quelque chose à cacher. Tu es aimable même avec ceux que tu peux pas encaisser, et tu ne beugles pas comme une vache qui met bas, ni dans le hall de l'immeuble, ni en bas sur les bancs. Point.
On peut être pauvre, chômeur, habiter dans une cité, être métisse, et être... juste, bien éduqué.
L'éducation parentale, c'est ce qui fait que l'enfant, dans des conditions difficiles, ne sera pas une racaille. Beaucoup d'amour, autant de fermeté.
Il faut que les gens arrêtent de croire qu'un gosse est malheureux parce qu'il n'a pas la dernière Xbox. Avec une petite voiture et son papa, le gosse va jouer des heures comme un bien-heureux. Il n'ira pas traîner là où il n'a rien à faire parce qu'il sera occupé à jouer avec les personnes qui comptent le plus: ses parents.
Vous êtes chômeurs, vous n'avez pas de travail. Eh bien profitez-en donc pour aller faire 3 fois le tour de la ville, à pied, avec vos gosses. Ca ne vous trouvera pas de travail, mais au moins, vous aurez renforcé les liens familiaux, et votre petit monstre sera moins enclin à vous désobéir. Et il ne sera pas à traîner avec des enfants qui vous affligent.
Et ça, l'Etat n'y peut rien.
L'éducation que ces gens-là n'ont pas eue étant enfants, l'Etat ne peut pas y pallier. On peut punir, on peut même leur trouver du travail, ça ne changera rien: il fallait une EDUCATION. La morale, ça s'apprend dès le plus jeune âge. A 20 ans, c'est nettement plus difficile à inculquer.
Donc oui, les conditions sont difficiles. non, L'Etat n'est pas la cause première des débordements observés.
Parents - il ne fallait rien lacher.
http://www.lexpress.fr/actualite/societ ... 49624.html
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« Feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce que l’on ignore... voilà toute la politique. »
de Pierre-Augustin Caron Beaumarchais
Voila , tout est dit ,il n'y a pas à rajouter grand chose.