Autriche. Le parti du défunt leader de l’extrême droite est empêtré dans son fief par des affaires de corruption.
Si Jörg Haider, le leader charismatique de l’extrême droite autrichienne était encore en vie, il serait sur le banc des accusés, face au crépitement des flashs. Mais en octobre 2008, le sémillant gouverneur de la province de Carinthie a pris le volant, en sortant d’un bar gay et s’est tué tout seul, avec 1,8 gramme d’alcool dans le sang, à 58 ans. Aujourd’hui, ses héritiers et alliés politiques du «sud profond» de l’Autriche, magnifique région touristique à la frontière de l’Italie, faite de lacs à l’eau chaude et de forêts inviolées, paient d’avoir participé au «système Haider» : la mise en place d’une mini-république bananière au cœur de l’Europe.
Laboratoire. Un premier «bébé Haider» est déjà tombé. Nommé Uwe Scheuch, ce gérant agricole, quadragénaire un brin play-boy, comme la plupart de ses acolytes, a été condamné début juillet à sept mois de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende. La justice reproche à ce petit-fils d’un membre actif du parti nazi d’avoir proposé la nationalité autrichienne à un oligarque russe, en échange d’un don important au parti et d’un investissement dans la région. Elle le soupçonne aussi d’avoir tenté de blanchir de d’argent, lors de la privatisation controversée par Jörg Haider, en 2007, d’une banque, la Hypo Group Alpe Adria. Jeudi, Uwe Scheuch a annoncé sa démission du poste de vice-président du gouvernement de la province. Il a délégué à son frère Kurt la gestion du FPK (Parti carinthien de la liberté), la formation locale affidée nationalement au FPÖ (Parti autrichien de la liberté), le grand parti d’extrême droite.
Après treize longues années d’une gestion excentrique, rien ne va plus dans le laboratoire politique européen de la galaxie facho. Les 560 000 administrés de la Carinthie sont devenus les «Grecs de l’Autriche» : ils ont le pouvoir d’achat le plus faible du pays, croulent sous une dette de 3 183 euros par tête et partent désormais à Vienne pour trouver du travail. Près de 2 000 personnes ont manifesté dans la capitale, Klagenfurt, pour réclamer des élections locales anticipées. Du jamais-vu. Et dans sa chute, l’extrême droite autrichienne emporte avec elle les conservateurs-chrétiens (ÖVP), avec qui elle a gouverné l’Autriche de 2000 à 2006 et qui continuent d’être de zélés alliés locaux. Le chef de file ÖVP en Carinthie, Josef Martinz, a lui aussi démissionné, après avoir reconnu s’être mis 65 000 euros dans la poche, en marge de la privatisation de la Hypo Group Alpe Adria. Trois élus conservateurs, au courant des malversations de l’époque Haider, ont également quitté leurs fonctions. On prévoit des procès en rafale.
Pompiers. Dans ce contexte, Heinz-Christian Strache, le très bling-bling chef du FPÖ, qui a les yeux rivés sur les législatives de l’année prochaine, se fait tout petit. Il n’a pas jugé nécessaire d’interrompre ses vacances rituelles à Ibiza pour jouer les pompiers kamikazes d’une Carinthie en feu. Il a simplement posté sur Facebook, où cet animal politique compte plus de 180 200 fans, un message qualifiant le départ d’Uwe Scheuch de «décision respectable». Lui qui, depuis 2006, avait relevé le FPÖ, presque seul et à bout de bras, voit chuter sa formation de 28% d’intentions de vote à la mi-avril, à 23% fin juillet.
http://www.liberation.fr/monde/2012/08/ ... rir_837599