Les territoires ne sont pas occupés, Israël peut y installer des populations, par Laly Derai
Le rapport sur la présence juive en Judée-Samarie rédigé par le juge honoraire Edmond Lévy a été transmis au Premier ministre Binyamin Nétanyaou il y a un mois, mais il n’a été rendu public que lundi.
Le point central de ce rapport : La Judée-Samarie ne peut être considérée comme un territoire occupé et, sur le plan du droit international, Israël a donc tous les droits d’y installer des populations civiles.
Juillet 2004 : Le Premier ministre Ariel Sharon demande à une juriste du Parquet, Talia Sasson, d’écrire un rapport sur le statut juridique des avant-postes situés en Judée et en Samarie.
Le 13 mars 2005, ce rapport, extrêmement sévère à l’encontre de la présence juive au-delà de la ligne Verte, est adopté par le gouvernement.
Trois ans plus tard, la même Talia Sasson, qui affirme que les localités juives de Judée-Samarie sont « l’essence même du mal et le cancer de l’État d’Israël », concourt pour un siège à la Knesset au sein du parti d’extrême-gauche Merets …
Juin 2012 : Le juge Edmond Lévy, qui a quitté il y a quelques mois la Cour suprême, présente au Premier ministre Binyamin Nétanyaou son rapport, rédigé conjointement avec la juge honoraire Te’hiya Chapira et l’ancien diplomate et conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères, Me Alan Baker. Selon ces trois juristes de renom, la création de localités en Judée et en Samarie ne s’oppose pas au droit international et la présence de population civile israélienne dans ces territoires est tout à fait légale.
Kol Sasson et Kol Lévy : Deux voix, deux avis.
Les rapports sur la présence juive au-delà de la ligne Verte se suivent mais ne se ressemblent pas. Si celui de Talia Sasson accusait les habitants juifs de Judée-Samarie d’escroquerie, celui du juge Edmond Lévy affirme qu’ils ont agi en toute bonne foi.
Si elle soutient que les avant-postes construits sur des terrains palestiniens doivent être détruits, il propose d’offrir des compensations financières aux propriétaires palestiniens et de maintenir leurs habitants juifs.
Talia Sasson, par exemple, ne se penche pas du tout sur le principe même de la présence juive en Judée Samarie, manifestement parce qu’il lui semble évident – et la scène internationale ne la contredira pas – qu’elle est illégale.
Le juge Lévy de son côté, analyse dans le détail le concept d’occupant et rappelle qu’entre 1948 et 1967, la Jordanie s’est auto-proclamée souveraine sur ces territoires. Or, cette proclamation n’a été soutenue que par deux pays : la Grande-Bretagne et le Pakistan. De plus, cette même Jordanie a décidé en 1988 de renoncer à sa souveraineté en Judée-Samarie.
De ce fait, affirme le rapport Lévy, les lois internationales concernant l’occupation étrangère d’un pays ne sont pas applicables dans ce cas, la Judée et la Samarie n’appartenant, du point de vue juridique, à aucun État …
En ce qui concerne la responsabilité de l’État envers les avant-postes, Talia Sasson affranchit totalement l’appareil étatique puisqu’elle accuse les habitants d’avoir construit ces localités sans autorisation et d’avoir escroqué l’État.
De son côté, le nouveau rapport rejette la responsabilité sur l’État qui a financé et encouragé les habitants des implantations à créer de nouvelles localités, ce financement et ces encouragements étant perçus comme une approbation de facto.
Le rapport Sasson émettait de très vives critiques face à l’implication du Ministère de la Défense et de Tsahal dans tout ce qui touche à la construction en Judée-Samarie, appelait à un changement drastique de la politique actuelle et exigeait que soit mis un terme au transfert de fonds des ministères aux implantations.
Le rapport Lévy, pour sa part, appelle à réduire l’implication de Tsahal dans tout ce qui a trait à la construction et considère qu’il faut réduire a minima les freins bureaucratiques qui empêchent le développement des localités.
Il conseille également de permettre aux tribunaux israéliens de trancher en cas de litige, retirant ainsi cette prérogative des mains du ministère de la Défense et de l’administration civile.
Enfin, pour ce qui est de la construction sur des terrains palestiniens privés, Sasson la considérait comme « strictement interdite » et, dans certains cas, affirmait qu’il s’agissait d’une infraction pénale. De ce fait, elle estimait qu’il était impossible de légaliser ce genre de construction, même a posteriori, et qu’il convenait donc de les détruire. « Ces avant-postes doivent être démantelés, et le plus tôt sera le mieux », affirmait-elle.
La position du juge Lévy est totalement différente : « Même s’il est prouvé que le terrain sur lequel une localité juive a été construite appartient à un Palestinien, il convient de réfléchir à des arguments de défense et à des solutions préférables à la destruction. Par exemple : Le paiement d’indemnités aux propriétaires, particulièrement lorsque les habitants ont agi en bonne foi ».
La droite aimerait que le gouvernement adopte d’ores et déjà le rapport Lévy, qu’elle considère comme une révolution.
Mais la joie du camp national pourrait bien être de courte durée : Le conseiller juridique du gouvernement, Yéhouda Weinstein pourrait bien mettre des bâtons dans les roues de cette démarche et le Premier ministre Binyamin Nétanyaou n’a peut-être pas envie de se mettre à dos la communauté internationale et la gauche israélienne …
Les points essentiels du rapport Lévy
- Selon le droit international, Israël n’a pas le statut d’occupant en Judée-Samarie.
- Les avant-postes et les localités juives de Judée et de Samarie ont été construits avec l’aide et le soutien de l’État, qui en est responsable.
- L’État doit, sous cinq ans, dresser une liste complète de tous les propriétaires terriens au-delà de la ligne Verte.
Les terrains dont la propriété n’aura pas été prouvée seront automatiquement considérés comme appartenant à l’État.
- La création de nouvelles localités devra s’opérer dans le cadre de la loi et selon le principe de la transparence, pour éviter la construction sur des terrains palestiniens.
- Les maisons qui s’avèreraient avoir été construites sur des terrains appartenant à des Palestiniens ne seront pas détruites, leurs habitants ayant agi en toute bonne foi.
Des compensations financières seront proposées aux propriétaires.
- La construction à l’intérieur des limites municipales ne devra plus être soumise à des autorisations spéciales mais uniquement à un permis de construire délivré par la localité. Jusqu’à ce que ce système s’installe, le rapport déconseille de procéder à la destruction de maisons.