AME : Des excès préjudiciables au système
Publié le 24 juillet 2012 par H€nri
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Témoignages de professionnels de la Santé qui pointent les dérives de l’Aide médicale d’État.
Cette fois-ci encore, les médecins ne lui ont rien trouvé. Depuis un an et demi, Abukaria (prénom fictif), jeune Comorienne de 33 ans, entrée en France en touriste, séjourne illégalement sur le territoire français. « C’est pour me faire soigner, confie-t-elle. L’hiver dernier, j’ai eu des fourmis dans les mains. Parfois, ça me reprend. J’ai vu des généralistes, des spécialistes, fait des radios, des scanners, mais personne n’y comprend rien… » Grâce à l’Aide médicale d’État (AME), Abukaria, tout comme 220.000 clandestins en 2011, n’a payé cette année qu’un droit de timbre de 30 euros.
Au Centre médical Europe, près de la gare Saint-Lazare, des « AME », on en croise à tous les étages. Et chez les médecins débordés, on sent poindre une certaine exaspération. « Beaucoup sont charmants, mais d’autres sont très exigeants !, soupire une généraliste. Il est normal que la France soigne les plus misérables, sauf que certains abusent vraiment ». Il y a cette femme qui vient faire un bilan complet tous les deux mois. Cette autre qui a exigé la sclérose de ses varicosités, ainsi que six paires de bas de contention, « pour sa sœur en Algérie ». Ces Africaines qui savent mieux que la dermatologue quelle crème guérira leur eczéma : le Diprosone, un dermocorticoïde qui a la particularité d’éclaircir la peau… Il y a aussi cette patiente victime d’un malaise, dont on prévient le mari, qui constate, ahuri… que ce n’est pas sa femme. « Ah oui, explique la patiente, j’ai perdu ma carte, alors j’ai pris celle d’une amie… »
« On a failli en venir aux mains ! »
La plupart des médecins déplorent le manque de contrôle. Pour obtenir l’AME, « c’est superfacile ! », témoigne Abukaria. Il suffit de justifier d’une résidence ininterrompue de trois mois en France, et d’un revenu inférieur à 634 euros par mois. Pour « prouver » qu’elle n’avait aucune ressource, Abukaria a simplement montré que le forfait de son portable n’était qu’à 5 euros… « La semaine dernière, j’ai reçu un homme qui voulait se faire arracher quatre dents, toutes saines, raconte un dentiste. En fouillant dans son dossier, j’ai vu qu’il était adressé par un service d’orthodontie, où il avait entamé un traitement esthétique pour aligner ses dents, facturé 4.000 euros ! Rendez-vous compte que ce type bénéficie de l’AME et s’offre un service que n’ont pas les moyens de se payer la plupart des assurés sociaux ! J’ai réussi à le faire payer pour les extractions, mais on a failli en venir aux mains ! »
Comment admettre qu’« un assuré social lambda qui paye ses cotisations sociales, mais qui n’a pas de mutuelle, ait une moins bonne couverture qu’un étranger en situation irrégulière ? », s’interrogent plusieurs praticiens du Centre Europe, qui voient défiler de nombreuses familles modestes.
« Cela fonctionne comme un supermarché, témoigne le dentiste. À partir du moment où c’est gratuit, les gens veulent tout ce à quoi ils ont droit, même s’ils n’en ont pas besoin ». Comment tenir bon lorsque le patient, parfois accompagné d’un interprète ou d’un « cousin » costaud, s’énerve et exige « vingt boîtes de Doliprane et dix flacons de bain de bouche », puisque « c’est gratuit » ? « Parfois on craque, avoue un médecin. De toute façon, si on ne cède pas, ils iront voir ailleurs… » Comme les bénéficiaires de l’AME n’ont pas de médecin traitant à déclarer, « cela entraîne un nomadisme et la multiplication d’examens redondants », poursuit-il.
Prêts à se faire opérer pour être régularisés
Car le système est pervers. « Plus ils ont d’ordonnances et de certificats, plus ils ont de chances d’être régularisés, explique un généraliste. C’est pour cela qu’ils veulent absolument qu’on leur trouve une maladie grave ! Certains sont même prêts à se faire opérer quatre ou cinq fois… Il y a quelque temps, ils s’étaient passé le mot de manger avant les prises de sang, pour qu’on leur trouve du diabète ! » Urologue et député UMP, Bernard Debré confirme : « Lundi, deux Turcs sont venus me voir, tous deux disant souffrir de brûlures urinaires, raconte-t-il. Mais leurs examens ne montraient rien ! J’ai donc refusé de leur prescrire les antibiotiques et les analyses complémentaires demandés. En cas d’arrestation, cela leur aurait permis de dire “Regardez, je suis très malade, j’ai vu cinquante médecins, je suis même allé jusqu’au Pr Debré pour me soigner !” ».
Il y a trois ans, c’était un député malien qui lui avait demandé de l’aide. « Sa première épouse avait déjà fait une FIV ici, en payant, se souvient le Pr Debré. Il voulait une autre FIV pour sa seconde épouse, en situation irrégulière, donc à l’AME. J’ai refusé. Il fallait du courage, car à l’époque, c’était théoriquement possible ! » En 2011, après l’instauration du forfait annuel de 30 euros, le gouvernement a également restreint le panier de soins : en sont désormais exclues la procréation médicalement assistée et les cures thermales…
Durées d’hospitalisation plus longues
« Des mesures qui visaient à ralentir la progression des dépenses liées à l’AME », rappelle l’ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Car depuis son entrée en vigueur, il y a douze ans, le coût du dispositif a explosé : 588 millions d’euros en 2011, contre 75 millions dans le budget 2000 ! Pour expliquer cette courbe exponentielle, le rapport parlementaire de Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (PS), publié en 2011, « exclut la fraude caractérisée ». « Les causes sont plutôt dues à la croissance du nombre de bénéficiaires, avancent les deux députés, et aux modalités de la tarification hospitalière ».
La seule facture hospitalière pèse pour trois quarts des dépenses. En contrepartie de cette « mission d’intérêt général », les hôpitaux ont tendance à surfacturer les soins accordés aux sans-papiers. « Il est pour le moins surprenant qu’une séance de dialyse coûte 349 euros en général mais 990 euros à l’APH de Paris pour les patients AME et 1.815 euros à Marseille ! », souligne le député UMP Dominique Tian. Comme le note le rapport, « l’hôpital, aujourd’hui, n’est parfois pas incité à une sortie rapide du patient d’un service coûteux en raison du caractère journalier de la facturation. Cela peut conduire à des durées d’hospitalisation des bénéficiaires de l’AME sensiblement plus longues que la moyenne »…
En tout cas, même si personne n’a su mettre de nom sur ses mystérieux picotis, Abukaria est « satisfaite de (sa) prise en charge médicale ». Et bien décidée à rester en France. « Si les médecins ici ne trouvent pas ce que j’ai, lâche-t-elle, vous pensez bien qu’aux Comores ils ne trouveront pas plus ! »
Le Figaro
Pour rappels , le coût de l'AME est de 800 millions € , les 3 millions se sont le cout de la suspension des 30€.
: :
Malheureusement l'UMP fait pas mieux.
clovis_1er
La Sécu et son trop plein d'AME
Publié le 1/08/2012
Si vous êtes comme moi, l'Aide Médicale d’État, ou AME, vous n'en aviez probablement jamais entendu parler avant ces dernières semaines. Pour ma part, j'en étais resté à la Couverture Maladie Universelle (CMU) qui, je le croyais, couvrait les cas qu'en réalité, l'AME se charge de traiter. C'est à la faveur d'un vote favorable des députés PS à la suppression de la franchise de 30 euros sur cet AME que j'en ai découvert l'existence. Stupéfaction s'en est suivie.
Le vote est intervenu dans la nuit du 20 au 21 juillet et sans surprise, la suppression de la franchise a été votée haut la main par la nouvelle et flamboyante majorité officiellement socialiste que le monde nous envie en nous regardant trottiner vers le mur, tête la première. À la suite de ce vote, les parlementaires de l'actuelle opposition se sont donné le mot pour faire un peu de buzz médiatique. Ne nous leurrons pas : c'est grâce ou à cause d'eux qu'on en parle à présent.
Ceci posé, que représente cette AME ?
Il s'agit d'une aide médicale, créée en 2000 sous le gouvernement Jospin (on me chuchote qu'il était officiellement socialiste), destinée à offrir des soins d'urgence aux étrangers sans papiers résidant en France depuis plus de trois mois. La relative facilité d'obtention de l'AME pour tout étranger sans papiers a provoqué une croissance des dépenses liées à cette aide d'un facteur huit entre 2000 et 2011. La mise en place d'un forfait de trente euros en mars 2011 avait pour but de modérer les demandes. Ce forfait n'ayant permis d'engranger que trois millions d'euros pour l'année écoulée, on comprend qu'en regard des sommes engouffrées (on parle de 588 millions d'euros pour 2011, tout de même), le sujet fasse polémique, d'autant plus que ce chiffre assez conséquent est arrivé au moment où un autre chiffre, celui des fraudes sociales, était lui aussi lancé dans le débat (et qu'il s'établit quand à lui à 497 millions pour la même année). Quand on cherche du milliard d'euro comme l'assoiffé de l'eau en plein désert, on comprend que les débats furent agités.
Évidemment, il n'y a pas besoin de fouiller beaucoup pour trouver (notamment dans la presse d'"opposition") des articles relatant la façon dont cette AME est utilisée, avec force détails. On y apprend notamment que cette aide, supposément d'urgence, permettait jusqu'à encore récemment l'aide à la procréation (le caractère d'urgence m'échappe) et incluait les cures thermales. Et même si la notion d'urgence est définie de façon relativement claire, les marges de manœuvres en matière d'interprétation de ce caractère d'urgence laissées à l'ensemble du personnel de soin (depuis le docteur jusqu'au personnel hospitalier en passant par le personnel administratif) sont suffisamment grandes pour qu'il exerce largement sa solidarité avec l'argent des assurés. Solidarité à laquelle il sera d'autant plus simple de faire appel que les contrôles de la pertinence même des actes pratiqués sont, pour ainsi dire, inexistants. Fraude qui se joue d'ailleurs à plusieurs niveaux et se répartit probablement entre les bénéficiaires des soins et leurs distributeurs puisqu'on constate que les facturations varient du simple au quintuple entre des patients normalement assurés et patients "AME", en fonction de l'endroit où elles sont établies.
Bref : tout indique que cette aide médicale d’État est, d'un côté, un véritable gouffre financier et de l'autre, une opportunité assez stupéfiante pour n'importe qui de se faire soigner pour un prix modique voire nul, sans avoir cotisé. À ce titre, il faudrait être de la dernière naïveté pour prétendre que son existence n'attirerait pas un peu une certaine forme de tourisme médical, au détriment des assurés français. Du reste, on retrouve exactement le même type de tourisme lorsque des Français, assurés mais un peu juste financièrement, se retrouvent à passer une semaine de vacances en Bulgarie ou en Roumanie où, différentiel de niveau de vie aidant, ils bénéficient d'un traitement (notamment dentaire ou ophtalmologique) bien moins coûteux qu'en France.
De plus, cette AME ajoute une nouvelle palette de dépenses au problème déjà aigu des hôpitaux que le gouvernement peine maintenant à financer pour leur éviter une faillite misérable, réduit qu'il est à devoir rediriger une partie des fonds du grand emprunt de 2010 en camouflant le replâtrage des établissements publics derrière des "projets de modernisation informatique ou d'innovation thérapeutique". Lorsqu'on sait que certains établissements en sont à utiliser les décalages de trésorerie (en jouant sur le cadencement du paiement des heures supplémentaires sur plusieurs mois, par exemple) pour éviter de se retrouver en faillite pure et simple, et que leur gestion calamiteuse a creusé le trou à 24 milliards d'euros, on comprend que les fonds seront très rapidement engloutis dans la gestion courante et les salaires bien avant d'hypothétiques innovations rutilantes.
Tous ces éléments laissent songeur, puisqu'on en arrive à faire preuve d'une générosité et d'une prodigalité dans nos soins qu'une saine gestion permettrait déjà difficilement mais que les gabegies actuelles, en toute logique, interdiraient si l'on avait deux sous de bon sens et une vague volonté de sauver ce qui peut l'être. Mais voilà : cette volonté semble, comme le reste, s'être évaporée il y a un moment.
Moyennant quoi, la France dispose maintenant non pas d'un système de soins que le monde nous envie, mais surtout d'une palanquée de trous, de déficits et de dettes colossales que le monde nous autorise encore pour quelques mois, quelques années tout au plus. Et en regard de ces dettes, on constate tous les jours la baisse générale de qualité des prestations fournies. D'ailleurs, les chiffres de l'OCDE ne laissent guère de doute. Pour rire, en voilà quelques-uns, qui ne situent la France dans les grandes puissances mondiales que lorsqu'il s'agit de gober du médoc comme des cacahuètes à l'apéritif, ce qui ne surprendra personne, et qui montrent que oui, la Turquie, en matière d'équipements, fait mieux...
http://www.contrepoints.org/2012/08/01/92280-la-secu-et-son-trop-plein-dame