Moi, raciste ?
J’ai la vingtaine et quelques années, je vis avec à peine 500 euros
par mois, j’écoute du metal et de l’électro en passant par du rap, j’ai
passé tout mon secondaire dans une ZEP et j’ai habité dans une banlieue
encore après mon bac, j’ai été élevé dans une gauche Canal+ et, chez
nous ,le bouton « 1 » de la télécommande est resté à l’état neuf.
J’ai toujours eu d’excellentes notes au cours de ma scolarité, avec
notamment un 20 sur 20 en histoire-géo pour mon bac blanc, et je suis
des études supérieures en étant à quelques semaines d’un master avec
mention bien.
Moi, raciste ?
Il y a une quinzaine d’années encore lorsque j’allais à un repas avec
mes parents, et que j’entendais des convives dire qu’ils n’aimaient pas
les Arabes et qu’ils votaient Le Pen, je sortais discrètement de la
pièce pour aller dehors cracher sur leur bagnole.
Mes potes s’appelaient Abdelkader et Saïd
Moi, raciste ?
Mes potes au collège s’appelaient Abdelkader et Saïd et je vomissais avec eux les « fachos ».
Moi, raciste ?
Au lycée, j’ai signalé à la direction, qui m’emmerdait pour des
broutilles, que des élèves néonazis se pointaient avec « Mein Kampf » au
bahut.
Moi, je ne suis pas dans le « champ républicain » ?
En 2002, j’ai défilé contre Le Pen
Je vous emmerde, la gauche. Je vous ai appartenu corps et âme assez
longtemps pour avoir le droit de le dire, haut et fort. Je n’ai aucune
leçon à recevoir de vous. Entre les deux tours de 2002, j’avais 15 ans,
et j’ai défilé contre Jean-Marie Le Pen.
Qu’est-ce qui, selon vous, m’a rapproché de lui un peu plus tard ?
Les paroles de « division » de Nicolas Sarkozy ? Il n’existait pas à
l’époque. C’est la réalité qui m’a fait voter FN quand tout dans mon
éducation, mes valeurs, mes préjugés, me destinait au contraire.
Ce qui crée la « division » dans ce pays, ce ne sont pas les paroles
des politiques. Ces dernières ne sont que le reflet des aspirations qui
viennent de la base. Ce qui crée la « division », c’est la présence de
plusieurs peuples distincts sur un même territoire, à force
d’immigration massive sur des dizaines d’années, démarche irresponsable
dans le meilleur des cas, diabolique dans le pire des cas.
Sarkozy n’a fait que récupérer la colère qui couvait, il ne l’a en
rien créée. Le mot « racailles », Nicolas Sarkozy ne l’a pas inventé, il
l’a repris de la bouche de cette dame qui lui parlait à la fenêtre,
parce qu’elle vit là-bas, elle.
C’est un « jeune » qui vous parle
Ça vient d’en bas. C’est clair, la gauche ?
C’est un « jeune » qui vous parle, vous aimez tellement ce mot, un
jeune qui constate que la « division », c’est vous qui l’avez provoquée,
encouragée, en important ici des populations qui nous étaient hostiles,
par souvenir de la guerre d’Algérie, en les rendant encore plus
hostiles avec le mouvement « antiraciste », avec votre « marche des
Beurs », en les appelant à revendiquer leurs origines tout en nous
contraignant à avoir honte des nôtres, en apprenant à tous que tout ce
qui était « de souche » était nazi, colon, ignoble à tout point de vue,
en nous effaçant littéralement de votre « diversité ».
Vous avez créé ce racisme dont vous ne parlez jamais, pourtant
largement majoritaire dans les faits : le racisme de ceux qui nous
appellent « les faces de craies ».
Votre multiculturalisme, je l’ai pris en pleine gueule
Moi, raciste ?
Je vous emmerde, tellement profondément, vous ne pouvez même pas
l’imaginer. Votre « multiculturalisme », je l’ai pris en pleine gueule.
Vous m’avez fait croire qu’ils étaient français, ceux-là même qui
m’insultaient de « sale Français » quand c’était pas « sale Blanc ».
Plus jeune, je recevais des stylos blancos au visage, et les insultes
qui allaient avec. Je ne comprenais même pas ce que ça voulait dire. Je
continuais à me prendre la tête avec des potes qui connaissaient le
terrain encore mieux que moi et qui me disaient « Ils nous emmerdent les
Arabes », je leur répondais :
<blockquote> « Attendez, on les a colonisés quand-même ! C’est normal ! »
</blockquote>
Je me souviens de cette petite blonde aux yeux bleus, en quatrième,
qui vivait dans la cité entourant notre collège. Je l’aimais bien et
elle aussi, mais un jour elle m’avait avoué, les larmes aux yeux,
qu’elle ne pourrait pas sortir avec moi, que ça serait trop mal vu ici
d’être avec un Blanc. Trop risqué pour elle.
Plus tard, j’ai vécu dans un de ces quartiers, dans une autre ville.
Je n’avais pas encore de voiture ni de permis, trop cher pour moi, alors
je devais rentrer chez moi en bus le soir, sur cette ligne hautement
fréquentée par les racailles.
Une nuit, je rentrais avec ma petite amie et un pote, nous nous
sommes faits encercler dans ce bus, ils étaient une bonne quinzaine, ils
ont commencé à toucher les cheveux de ma copine en rigolant. Elle
bouillonnait autant que moi, mais que faire ? Ils étaient trop nombreux,
comme toujours.
Elle s’est retournée et a bougé leurs mains violemment. « Eh, mais
tiens ta femme toi », m’a dit un des gars. Le ton est monté d’un cran et
ils se rapprochaient. Le chauffeur voyait mais n’a rien fait, on a
réussi à descendre à l’arrêt suivant, sous les insultes, forcément.
Vous étonnez pas qu’on vote Sarkozy !
Quand les portes se refermaient, j’ai dit : « Vous étonnez pas après
qu’on vote Sarkozy ! » Avant que mon pote n’ajoute : « Ou pire. ». Et je
me souviens lui avoir dit :
<blockquote> « Oh arrête, faut pas exagérer non plus... »
</blockquote>
« Faut pas exagérer », putain, même après ça je ne voulais pas
« exagérer ». Ma copine ne disait rien mais pleurait de colère.
Je vous emmerde, la gauche
Je vous emmerde, la gauche. Grâce à vous, j’ai dû passer ma jeunesse à
accepter les agressions au faciès, à admettre les humiliations
quotidiennes, à subir des situations qui font penser à certains récits
de braves gens pendant l’occupation.
Devoir gérer les rues que l’on va emprunter pour éviter leurs bandes,
établir des diversions, être sur le qui-vive à chaque instant, se
priver de sortir parfois, élaborer des parcours dans l’espoir de rentrer
vivant, baisser les yeux et fermer la bouche, est-ce que ça parle à
l’un d’entre vous ?
Et encore, je ne parle ici que des agressions, des risques physiques,
pas de tout le reste, du moins évident, de cette époque où il n’y a
plus de place pour moi, pour nous.
Je n’ai pas de préjugés, que des « postjugés »
Moi, raciste ?
Je vous emmerde de tout mon être. Je n’ai jamais eu de peurs
irrationnelles, j’ai tout pesé et jugé sur le terrain. Je n’ai pas de
préjugés, je n’ai que des « postjugés ». Tout votre vocabulaire est à
foutre aux ordures, toute votre artillerie lourde et votre chantage
permanent n’ont plus aucun effet sur moi, comme sur des millions
d’autres. C’est de la pluie sur un imperméable.
Tout ce qui me définit aujourd’hui, c’est la réalité qui me l’a
appris. Je ne suis pas le fils d’Hitler mais celui des jeunesses
antiracistes. Je suis le fils de votre matrice.
Je suis Libé et Le Canard enchaîné
Je suis le fruit de l’éducation nationale et de la FCPE, des cours
d’éducation civique qui finissaient tard le soir, quand il faisait déjà
nuit et qu’on n’était plus que quatre dans la classe car c’était
ramadan.
Je suis Libé et Le Canard enchaîné. Je suis de Caunes et Garcia,
« Nulle Part Ailleurs », Siné et le professeur Choron, Polac et
Ardisson, CNN International et Jules-Edouard Moustic.
Je suis une rédaction du brevet des collèges dans laquelle
j’incendiais l’Etat autoritaire français qui, selon moi, avait tué
Coluche.
Je suis l’enfant de Desproges
Je suis l’enfant de Desproges et Nina Hagen, de Robespierre et Ras l’Front. Je suis le rejeton de la culture.
Je suis les Sex Pistols et The Clash, je suis Alliance Ethnik et NTM,
j’ai appris à marcher dans le salon près de statuettes africaines, mon
univers est coloré, je suis le mélange, fruit d’un Breton et d’une
Italienne, je suis le hip- hop celtique à la con de Manau.
Je suis tout sauf la tradition moisie, je suis le résultat des
nouvelles technologies et de Katsumi, je suis aussi l’art et je joue de
la guitare depuis mes cinq printemps, je suis « Le Zapping », Karl Zéro
et « Les Guignols de l’Info », Jack Lang et Mitterrand.
Je suis votre créature qui vous a échappé
Vous m’avez fait, puis abandonné, je suis votre propre créature qui
vous a échappé. Je suis l’archétype du garçon vif et intelligent,
hostile d’instinct aux réactionnaires, je suis à mille lieues des
conservateurs de tout bord et c’est précisément pour ça que je suis à
mille lieues de vous, de vos slogans éculés et de vos poncifs périmés.
Et je ne suis pas seul, il y a une autre jeunesse en France que vous
ne voulez pas voir, qui ne vous intéresse pas, une jeunesse que vous
n’excusez jamais, que vous n’écoutez jamais, que vous méprisez toujours,
une jeunesse pleine d’énergie et de talent, d’envie et d’amour, une
jeunesse qui ne brûle rien sinon de désir de changement, de vrai
changement, elle est là dans la rue et dans les concerts, elle n’est pas
honteuse elle veut simplement vivre, et vous ne la ferez plus taire
avec vos mensonges et votre haine.
Je suis une erreur dans votre système
Je suis le seul Palestinien colonisé dont vous vous foutez. Je suis
le seul type de Français qui n’a pas droit à votre « tolérance ». Je
suis celui qui fait s’effondrer toute votre propagande, vos réflexes
usagés, comme le World Trade Center ou l’immeuble à la fin de « Fight Club ».
C’est votre monde qui m’a fait, qui m’a conçu, je suis immunisé
contre la culpabilité, vos anathèmes ne marchent plus. Je ne suis que la
dernière conséquence de votre racisme contre tout ce qui ressemble, de
près ou de loin, à un Européen.
Je suis une erreur dans votre système, je suis votre électeur FN._________________