Une enquête conduite auprès de viticulteurs français montre les effets délétères à long terme d'une exposition aux pesticides.
La grande étude épidémiologique menée par une équipe de l'Inserm sur les conséquences au long cours des pesticides sur la santé des viticulteurs est une nouvelle pierre dans le champ des produits phytosanitaires. Lancée en 1997 et 1998 auprès de plus de 900 ouvriers agricoles du Sud-Ouest, cette enquête minutieuse présentée lors d'un colloque de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) montre en effet une altération des performances cérébrales plus importante pour ceux qui ont été le plus exposés aux pesticides durant leur vie professionnelle.
Si l'on connaît de mieux en mieux les effets à très court terme de certaines molécules, il existe en revanche très peu de documents sur les conséquences à long terme. Les personnes suivies ont pu être séparées en deux groupes: 181 qui n'avaient jamais été exposées par rapport à 748 qui l'avaient été. Parmi ces dernières, près des deux tiers avaient été directement exposées - «elles avaient préparé ou appliqué des pesticides sur la vigne», explique l'étude. Les 243 autres ont simplement été mises en contact de façon indirecte.
De moins bons scores au test d'Alzheimer
L'ensemble de ces 929 volontaires a d'abord rempli des questionnaires neurocomportementaux sous la forme de tests. Une personne était considérée comme ayant une faible performance «lorsqu'au moins trois quarts des ouvriers avaient obtenu un score supérieur à celle-ci», précise un document de l'Institut de santé publique d'épidémiologie et de développement (université Bordeaux 2). Quatre ans plus tard, lorsque les volontaires sont recontactés et qu'ils repassent les mêmes tests, c'est là qu'apparaissent véritablement les dégâts causés par les pesticides.
«Il est apparu que les ouvriers directement exposés aux pesticides réalisaient des performances plus basses que les ouvriers indirectement exposés qui eux-mêmes réalisaient des performances plus basses que les ouvriers non exposés et ceci pour chacun des tests réalisés», précise ainsi le document. Au test d'Alzheimer par exemple, «le risque était doublé d'obtenir un moins bon score».
Une protection difficile à évaluer
Les résultats sont d'autant plus convaincants que les chercheurs ont bien pris en compte les biais qui pouvaient provenir d'une différence dans certains facteurs: dépression, alcool, niveau d'études… Quant à savoir si l'on pouvait établir une différence entre des viticulteurs qui auraient travaillé avec des combinaisons, des masques ou des gants et d'autres qui ne disposaient d'aucune protection, l'étude montre que les réponses à ce type de questions ont été difficiles à prendre en compte. Non seulement «l'efficacité de ces équipements n'est pas toujours garantie», souligne Isabelle Baldi, praticien hospitalier au laboratoire Santé Travail Environnement (université Bordeaux 2) et principale auteur de l'étude, mais «il a été montré que ces équipements de protection ne sont qu'un des déterminants potentiels de la contamination au milieu d'un ensemble complexe: type de tracteur, de pulvérisateur, nombre de phases de préparation des bouillies au cours de la journée… Chacun de ces paramètres joue un rôle au moins aussi important que les équipements de protection individuelle», ajoute-t-elle.
Une deuxième phase d'étude est en cours, toujours sur le même échantillonnage de personnes. On devrait en connaître les résultats d'ici à la fin de l'année. Cette troisième série de tests permettra, notamment, de voir si la dégradation cognitive se poursuit et surtout si elle évolue vers l'apparition d'éventuelles maladies neurodégénératives de type Alzheimer ou Parkinson. Un lien entre maladie de Parkinson et utilisation de pesticides par les agriculteurs a été reconnu pour la première fois en France par l'intermédiaire d'un décret publié en mai.
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