LA GRANDE AMBITION DE FETHULLAH GÜLEN
Par Rachel Sharon-Krespin
source : http://www.meforum.org/2045/fethullah-g ... n#_ftnref1
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan a détourné la Turquie de l'Europe au profit de la Russie et de l'Iran et réorienté la politique turque au Moyen-Orient, s’éloignant d’Israël et recherchant l'amitié du Hamas, du Hezbollah et de la Syrie. Les sentiments antiaméricains, antichrétiens, et antisémites progressent. Derrière la transformation de la Turquie il y a non seulement la formidable machine du parti AKP mais aussi une ténébreuse secte islamiste dirigée par le mystérieux hocaefendi (maître seigneur) Fethullah Gülen ; la secte se présente souvent comme partisane de la tolérance et du dialogue, mais ses actes tendent vers des buts diamétralement opposés. Aujourd'hui, Gülen et ses partisans (fethullahcılar ou fethullahistes) cherchent non seulement à influencer le gouvernement mais à devenir le gouvernement.
Aujourd'hui, la Turquie compte plus de 85.000 mosquées actives, soit une pour 350 habitants (à comparer avec un hôpital pour 60.000 habitants), c’est la proportion par habitants la plus élevée au monde et elle a plus d’imams (90.000 imams) que de médecins ou d’enseignants. Il y a des milliers de madrasas comme les écoles Imam Hatip, environ quatre mille cours coraniques supplémentaires organisés par l’état, sans compter les écoles coraniques non officielles, ce qui peut multiplier leur nombre total par dix. Les dépenses de la Direction gouvernementale des affaires religieuses (Diyanet Isleri Baskanligi) ont été multipliées par cinq, passant de 553 trillions de livres turques en 2002 (environ 325 millions US $) à 2,7 quadrillions de livres pendant les quatre premières années et demi du gouvernement AKP ; la Diyanet a un budget plus important que celui de huit autres ministères confondus
Le taux de présence à la prière du vendredi dans les mosquées de Turquie est supérieur à celui de l'Iran, et les cours d’islam sunnite sont obligatoires dans les écoles publiques en dépit des jugements de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la cour suprême turque (Danistay) condamnant cette pratique. Le Premier ministre Erdoğan et le chef de la Diyanet, Ali Bardakoğlu, ont critiqué ces jugements au motif que les oulémas n’ont pas été consultés.
Gülen dicte maintenant l'agenda politique de la Turquie via ses disciples de l'AKP mais aussi via l’empire des médias, les institutions financières, les banques, les organisations professionnelles, le réseau international de milliers d'écoles, d’universités, de résidences pour étudiants (ışıkevis) et les nombreuses associations et fondations que sa confrérie contrôle.
C’est un poids lourd financier qui contrôle sans restriction un budget opaque estimé à 25 milliards de dollars. Il est difficile de dire si la cemaat (communauté) fethullahiste soutient l'AKP ou en tire les ficelles. En pratique, cela revient d’ailleurs au même.
Les racines de Gülen
Né à Erzurum, en Turquie, en 1942, l’imam Fethullah Gülen se considère comme un prophète. Ce personnage énigmatique est salué par un grand nombre d’occidentaux comme un réformiste et un avocat de la tolérance , un catalyseur de «l'islam modéré » en Turquie et ailleurs. Il est salué en Occident, et en particulier aux États-Unis, comme un intellectuel, un érudit et un éducateur bien que ses études officielles se soient limitées à cinq ans d'école élémentaire. Après avoir obtenu un certificat d’imam-prédicateur, il a servi comme imam, d'abord à Edirne et plus tard à Izmir. En 1971, il fut arrêté par les services de sécurité turcs pour activités religieuses clandestines, comme l’organisation de camps d'été clandestins pour endoctriner les jeunes et à partir de ce moment, il fut de temps en temps harcelé par les militaires les plus laïcs. En 1981, il s’est officiellement retiré de son poste de prédicateur local.
Pour se construire une image de promoteur du dialogue inter-religieux, Gülen a rencontré le Pape Jean-Paul II, d'autres membres du clergé chrétien, des rabbins et met l'accent sur les points communs fédérateurs des religions « abrahamiques ». Il se présente lui et son mouvement comme la version moderne du soufisme anatolien libéral et tolérant et utilise les écrits des grands penseurs soufis comme Jalal ad-Din Rumi et Yunus Emre, feignant de partager leurs enseignements modérés. Des citations de leurs œuvres ornent le matériel de propagande de Fethullah Gülen. Le mouvement et ses organisations satellites organisent régulièrement aux États-Unis et en Europe avec les universités, y compris celle de Georgetown à laquelle il donne régulièrement de l'argent, des conférences où Gülen s’exprime. En octobre 2007, la Chambre des Lords britannique a même honoré Gülen en organisant une conférence en son honneur.
Gülen est un adepte du Cheikh Sa'id-i Kurdi (1878-1960), également connu sous le nom Saïd Nursi-i, le fondateur du mouvement islamiste Nur (la lumière). Lors de la fondation de la Turquie après la (première) guerre mondiale, Kurdi exigea dans une adresse au nouveau Parlement que la nouvelle république se base sur des principes islamiques. Il se retourna contre Atatürk et ses réformes et contre la nouvelle république moderne, laïque et occidentale.
En 1998, Gülen a quitté la Turquie pour les États-Unis, officiellement pour y recevoir un traitement médical pour son diabète. Toutefois, son départ a aussi permis à Gülen d'éviter de rendre des comptes après avoir été accusé en 2000 d’encourager une insurrection en Turquie via la diffusion clandestine de sermons enregistrés.
Depuis son exil volontaire, Gülen réside dans une grande propriété rurale de l'est de la Pennsylvanie, avec une centaine de ses adeptes qui le gardent et veillent à ses besoins. Ses serviteurs sont des hommes instruits qui portent costume et cravate et ne ressemblent pas aux islamistes traditionnels portant djellabas et turbans. Ils obéissent aveuglément à leur hocaefendi même quand il leur ordonne de ne pas se marier avant l'âge de cinquante ans. Quand ils se marient, leurs épouses doivent se vêtir islamiquement suivant le code vestimentaire dicté par Gülen en personne. C'est depuis sa base des États-Unis que Gülen a construit sa renommée et son empire transnational.
Le réseau d'éducation de Gülen
Le cœur de l’organisation de Gülen, ce sont ses établissements d'enseignement. Son réseau d’écoles est impressionnant. Nurettin Veren, bras droit de Gülen depuis trente-cinq ans, estime que quelque 75 % des deux millions d'élèves des écoles préparatoires de Turquie sont inscrits dans des écoles de Gülen . Il contrôle des milliers d’écoles secondaires, de collèges, et de résidences estudiantines (ışıkevi) à travers toute la Turquie, ainsi que des universités privées, la plus importante étant l’Université Fatih à Istanbul.
En dehors de la Turquie, son mouvement gère des centaines d'écoles secondaires et des dizaines d'universités dans 110 pays à travers le monde. L’objectif de Gülen n'est pas altruiste : ses adeptes ciblent les enfants à partir de huit à douze an, les prennent en charge et les endoctrinent dans les ışıkevi, les éduquent dans les écoles de Fethullah et les préparent pour leurs futures carrières dans les professions juridiques, politiques et éducatives afin de créer les futures classes dirigeantes islamistes de l'Etat turc. Appliquant les consignes de Fethullah Gülen, les adeptes fortunés ouvrent sans cesse de nouvelles écoles et ışıkevi dans ce que Emre Aköz, le chroniqueur du journal Sabah, a appelé «le djihad de l'éducation. »
Le réseau d’écoles n'est que la partie visible d'une stratégie plus vaste. Dans un entretien accordé en 2006, Veren déclare : «Ces écoles sont comme des vitrines. Les activités de recrutement et d'islamisation se font par le biais des cours du soir ... Les enfants que nous instruisons en Turquie occupent maintenant les plus hautes fonctions. Il y a des gouverneurs, des juges, des officiers de l’armée. Il y a des ministres du gouvernement. Ils consultent Gülen avant d'agir. "
Les politiques controversées de l'AKP en matière d'éducation, couplées avec l'endoctrinement islamiste dans les écoles fethullahistes ont accéléré l'islamisation de la société turque. Pendant le premier mandat de l'AKP au sein du gouvernement, le gouvernement Erdoğan a modifié le contenu des manuels, mettant l’accent sur les cours de religion obligatoires et transféré des milliers d’imams de leurs postes à la Direction des Affaires religieuses à des postes de professeurs et de directeurs dans les écoles publiques. Abdullah Gül, le premier président islamiste de Turquie, un sympathisant Gülen, a nommé un autre adepte de Gülen, le professeur Yusuf Ziya Özcan, à la tête du Conseil de l'enseignement supérieur de la Turquie (Yükseköğretim Kurulu, YÖK). Il s’est aussi servi de ses prérogatives présidentielles pour mettre des sympathisants de Gülen à la tête des universités.
Les écoles fethullahistes servent aussi de viviers de recrutement en dehors de la Turquie. Dans sa thèse de doctorat sur les écoles de Gülen en Asie centrale, Bayram Balci, un chercheur français d'origine turque de l’Institut des Etudes Politiques, écrit : «le but de Fethullah est l'islamisation de la nation turque et la turcisation de l'islam dans les pays étrangers. Les dizaines « d’écoles turques » de Fethullah à l’étranger (pour la plupart réservées aux garçons) sont utilisées de façon déguisée pour «convertir», non pas tant «à l'école» que par le prosélytisme direct en dehors de l'école ». Balci explique : «Il veut faire revivre le lien entre l’état, la religion et la société. » En Asie centrale, les écoles Gülen du mouvement Nur travaillent à rétablir l'Islam dans une région largement laïcisée par des décennies de pouvoir soviétique. Balci déclare : «Le but de la cemaat (confrérie, communauté) est d'éduquer et d'influencer les futures élites nationales, qui parleront l'anglais et le turc et qui, un jour, prouveront leur reconnaissance envers les fethullahistes et la Turquie. » Suite à ces soupçons plusieurs pays de la région ont pris des mesures contre les institutions éducatives de Gülen. L'Ouzbékistan a fermé des écoles pour encouragement à la charia, et le gouvernement russe, excédé par les activités du mouvement dans les régions à majorité musulmane de la fédération, a interdit non seulement les écoles de Gülen, mais toutes les activités de la secte Nur dans l’ensemble du pays.
Ni l'Ouzbékistan ni la Russie ne sont connus pour leur pluralisme, mais les doutes sur l'endoctrinement de Gülen se sont même étendus à des sociétés plus permissives comme les Pays-Bas. En 2008, les partis néerlandais démocrate-chrétien, socialiste et conservateur ont convenu de réduire de plusieurs millions d'euros le financement public des organisations liées à "l’imam turc Fethullah Gülen " et de mener une enquête approfondie sur les activités du groupe Gülen après qu’Erik Jan Zürcher, directeur de l’International Institute for Social History d’Amsterdam, et cinq anciens adeptes de Gülen qui travaillaient dans des ışıkevi de Gülen aient révélé à la télévision néerlandaise que la confrérie de Gülen procède étape par étape pour renverser l'ordre laïc. Bien que les organisations en question nient tout lien avec le mouvement de Gülen, Zürcher affirme que la taqiya (le mensonge approuvé par la religion) est typique des interactions du mouvement avec l'Occident. Un ancien adepte de Gülen qui a également travaillé dans les écoles et les ışıkevi de Gülen a rapporté que les fethullahistes traitent les Néerlandais de "sales infidèles blasphémateurs" et que "le meilleur des Néerlandais est celui qui se convertit à l'islam. Tous les Hollandais doivent devenir musulmans. »
On ne peut que constater que sur les milliers d'écoles fethullahistes, réparties à travers plus d'une centaine de pays, qui sont censées enseigner la modération, aucune n'est implantée dans des pays comme l'Arabie saoudite ou l'Iran où l’Islam est l'idéologie officielle, et que la plupart semblent au contraire viser à radicaliser les étudiants dans les pays musulmans mais laïques et les pays non-musulmans.
Neutraliser et s’emparer du contrôle
Les fethullahistes ont également noyauté les 200.000 membres des forces de police turques. Leur infiltration a eu de lourdes conséquences : en tant que fonctionnaires, les fethullahistes ont purgé (leurs services) des fonctionnaires plus loyaux envers la république qu’envers l'hocaefendi. Selon Veren, "Il y a des imams directeurs de la sécurité, des imams qui portent des uniformes de policiers. Beaucoup de commissaires de police reçoivent leurs ordres d’imams" Adil Serdar Saçan, ancien directeur de la brigade du crime organisé relevant de la Direction de la Sécurité d'Istanbul, a confirmé ces déclarations dans les rapports qu'il a rédigés sur l'organisation fethullahiste au sein de l'appareil de sécurité. Dans une interview accordée en 2006, il déclare :
« Les fethullahistes ont commencé à s’organiser à l'intérieur de l'appareil de sécurité dès les années 1970. Dans les écoles de police, les étudiants étaient envoyés dans les ışıkevi par les instructeurs. L’un de ces instructeurs est maintenant directeur du renseignement à la Direction de la sécurité turque. Pendant que j’étais à l'académie , ceux de la direction qui n'avaient pas de liens avec l'organisation ont tous été mis à la retraite ou licenciés en 2002 quand l'AKP est arrivée au pouvoir. ... J'étais major de ma promotion quand j’ai été diplômé de l'académie de police, et tout au long de mes vingt-quatre années de carrière, j'ai été promu et félicité pour mes excellents états de service. Après 2002, l'AKP a bloqué mes promotions. Ils n’ont plus promu que les agents dont les dossiers signalaient qu’ils étaient engagés dans des activités réactionnaires islamistes. ... L'appartenance à une certaine cemaat est devenue une condition préalable pour faire carrière dans la police. À l'heure actuelle, plus de 80 pour cent des officiers au niveau de l'organisation de la sécurité générale sont membres de la cemaat . »
Faire de telles révélations peut entraîner des représailles. En octobre 2008, la police turque a arrêté Saçan sur des soupçons d'implication dans le prétendu complot Ergenekon visant à renverser l'Etat turc. La plupart des analystes turcs considèrent que le complot Ergenekon, faute de la moindre preuve d'activités anticonstitutionnelles, est en réalité une machination grâce à laquelle le gouvernement turc peut harceler ses détracteurs .
L'écrivain et journaliste Merdan Yanardağ a fourni des statistiques pour éclairer la pénétration islamiste à la Direction de la sécurité d'Ankara. Il écrit :
« Avant le Ramadan, il a été demandé au personnel de la Direction de la Sécurité à Ankara s’ils feraient le jeûne pendant le Ramadan afin d'établir le nombre de repas nécessaires au cours de cette période. Sur les 4.200 employés, seuls dix-sept ont répondu qu'ils ne feraient pas le jeûne. Considérant que certains parmi ces dix-sept étaient peut-être excusés pour raisons médicales, les chiffres parlent d'eux-mêmes. »
Au printemps 2008, le scandale des écoutes téléphoniques a également mis en lumière la pénétration des Gülenistes au sein des unités les plus importantes des services de sécurité.
Depuis avril 2007, la Direction de la Sécurité turque a obtenu des tribunaux la permission de surveiller et d’enregistrer toutes les communications en Turquie, y compris les téléphones mobiles, les lignes fixes, les messageries textes SMS, les courriels, les fax et communications Internet, Les Turcs ont commencé à avoir peur de tenir des conversations téléphoniques craignant une intrusion dans leur vie privée. Les fuites récentes dans les médias pro-AKP d'enregistrements de réunions et conférences du personnel militaire, de documents ultra secrets, de plans d’opérations anti-terroristes de l’armée, de dossiers médicaux personnels d’officiers, de conversations privées entre des procureurs et la diffusion sur Internet et le site YouTube de vidéos de certains de ces enregistrements a choqué la nation.
Le réseau d'adeptes présumés de Fethullah Gülen au sein du système de sécurité influence directement la vie publique du pays en mettant au service de leur cause la technologie (du renseignement) et les renseignements confidentiels auxquels ils ont accès. En Février 2008, plusieurs sites Web ont publié l'enregistrement d'un discours secret prononcé par le général de brigade Münir Erten détaillant le calendrier d'une prochaine opération militaire turque au Kurdistan irakien ainsi que les détails d'une discussion privée du chef d'état-major général et des informations confidentielles concernant l’état de santé du général Ergin Saygun. Le mois suivant, plusieurs sites Web, y compris YouTube, ont diffusé une conversation privée enregistrée à leur insu entre le procureur Salim Demirci et un collègue au sujet d’Erdoğan et d’Efkan Ala, le gouverneur de Diyarbakir qui a depuis été nommé conseiller de la chancellerie de M. Erdoğan. Erdoğan en a profité pour ordonner une enquête pénale contre Demirci. En Juin 2008, le journal islamiste Vakit publia le dossier médical complet (du général) Saygun, divulguant son diabète ainsi que sur les traitements et les médicaments qu'il a reçu à l'hôpital militaire de Gülhane. Les conversations privées d’autres personnes comme Erdoğan Tezic, ancien président du Conseil de l'enseignement supérieur de Turquie et des membres éminents du Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi, CHP) de l'opposition de centre-gauche ont également été publiées sur des sites islamistes et dans les journaux de Gülen.
De nombreux journalistes turcs pensent que la police dominée par les fethullahistes enregistre leurs communications, et selon leurs informations, le chef de l'unité des écoutes téléphoniques qui a été nommé par M. Erdoğan en août 2005, est un adepte de Fethullah. Les journaux islamistes dont Vakit, Yeni Safak, Zaman, et le journal pro-AKP Taraf ont publié des extraits de conversations privées tenues à l'intérieur de locaux du gouvernement et de l’armée. Les médias islamistes pro-AKP ont publié de prétendues preuves confidentielles relatives à l'enquête de la police sur le soi-disant complot Ergenekon qui postule une cabale d'officiers, de journalistes et de universitaires laïcs qui auraient cherché à renverser le gouvernement de l'AKP. L’effet de telles fuites est ternir la réputation et d’intimider les opposants de l'AKP et l'armée turque.
L'islamisation de la police contribue également à accroître les brutalités policières envers les manifestants anti-AKP. Le 1ier mai 2008, la police a employé des bombes lacrymogènes, des spray à poivre, des canons à eau, et des matraques contre les travailleurs qui voulaient célébrer pacifiquement la journée du Premier Mai à Istanbul sur la place Taksim, le site traditionnel des manifestations dans la plus grande ville de Turquie; il y a eu de nombreux blessés. Les syndicats et les partis d'opposition ont condamné la brutalité de la police et accusé Erdogan de se servir de la police pour réduire au silence l'opposition. La police a également dispersé les manifestants syndicaux aux chantiers navals de Tuzla (Istanbul). De plus, la police harcèle les citoyens qui critiquent la politique d’Erdogan. A Antalya, les propres gardes du corps d’Erdogan ont enlevé un homme de 46 ans qui avait critiqué en public sa politique de sécurité sociale, ont emmené cet homme dans un endroit désert où ils l’ont battu et menacé du pire. La victime a rapporté que ses agresseurs lui ont dit qu'ils pouvaient facilement mettre sur lui une arme ou de la drogue et le tuer.
Bien que l’armée turque soit la garante de la Constitution, Veren affirme que les fethullahistes ont également noyauté l'armée, la police et d'autres professions:
« Les officiers fethullahistes étaient autrefois nos étudiants, nous les avons soutenu financièrement, éduqués et aidés. Lorsque ces enfants reconnaissants ont été diplômés et sont parvenus à des positions influentes, ils se sont mis eux-mêmes et leurs positions au service de Fethullah Gülen ... dirige et donne ses instructions, et, à travers eux, maintient le pouvoir au sein de l'état ... Quand les étudiants de Gülen sortent diplômés des académies de la police ou de l'armée, tout comme le font les nouveaux médecins et avocats, ils offrent leurs premiers salaires à Fethullah Gülen pour témoigner de leur gratitude. Les nouveaux officiers lui apportent même les épées qu'ils reçoivent au cours de la cérémonie de remise de diplôme. »
Selon Veren, Gülen a fait observer que l’armée n’expulse pas plus d'un officier islamiste sur quarante ; le reste demeure dans les cellules clandestines. De telles allégations peuvent sembler ressortir de la théorie du complot mais les fuites récentes dans les médias pro-AKP indiquent que les islamistes disposent d’un certain nombre de sources de renseignement dans les rangs de l’armée, alimentant la spéculation que les partisans de Gülen peuplent désormais les services supérieurs de l'état-major général turc. Cette supposition a encore gagné en crédibilité depuis qu’en août 2008, le Conseil suprême des forces armées (Yüksek Askeri Şura, YAŞ) a, pour la première fois, refusé d'expulser de l’armée des islamistes présumés.
Le gouvernement de l'AKP a aussi aidé le mouvement Gülen à infiltrer la magistrature. Au cours des cinq premières années de son règne, Erdoğan a remplacé des milliers de juges et de procureurs par des créatures de l'AKP. Maintenant que le président est islamiste, il est peu probable qu'il oppose son veto à la nomination de juges islamistes comme son prédécesseur Ahmet Necdet Sezer le faisait. Il semble d’ailleurs que le gouvernement se prépare à nommer des milliers d'autres protégés à des postes judiciaires. L'AKP a également promulgué une loi qui obligera les candidats à la magistrature à passer un entretien avec les bureaucrates de l’AKP pour être évalués sur leur adhésion à l'islam. Les résultats de l’offensive de l’AKP contre le système judiciaire ne se sont pas fait attendre comme en attestent les procès douteux à l’initiative desquels les (nouveaux) fonctionnaires anti-laïques et pro-AKP ont étés, par exemple le procès intenté à Askin Yücel, le président de l'Université de Van, l'affaire Şemdinli dans laquelle un procureur a tenté d'impliquer le général Yaşar Büyükanit avant qu'il ne devienne chef de l'état-major général et, plus récemment, l’affaire Ergenekon.
Ce sont ces poursuites judiciaires si ouvertement motivées par la politique et la rancune qui ont conduit certains anciens sympathisants de Gülen comme Hakan Yavuz, politologue à l'Université de l'Utah, à changer de camps. Dans une interview, Yavuz a déclaré à odatv.com que quatre importantes affaires judiciaires l’avaient fait changer d’avis : les affaires Askin, Semdinli, l'opération Atabeyler (découverte en 2005 qui impliquerait un groupe criminel organisé qui aurait planifié d’assassiner le Premier ministre Erdoğan) et Ergenekon. Yavuz a expliqué: «La cemaat a tenté d'orienter les débats dans ces quatre affaires. Relisez les articles calomnieux dans les archives des journaux de la cemaat, comment ils ont diffamé Yucel Askin. Et maintenant c'est Ergenekon. D’ personnalités sont détenue en prison depuis plus d'un an sans être inculpées, c’est inexplicable. " Yavuz a également révélé que la cemaat de Gülen tient à ses membres un tout autre langage qu’aux non membres et qu'elle poursuit un objectif politique qui entre en conflit avec la philosophie fondatrice de la république turque moderne. Il accuse les fethullahistes de «se coopter entre eux» et de recruter et payer, sans trace écrite, des personnes pour qu’elles écrivent et parlent favorablement du mouvement tout en critiquant l'État laïque turc.
Le cinquième pouvoir
Si la police, l'armée, et les tribunaux sont normalement censés pouvoir protéger la primauté du droit depuis l'intérieur des structures de l’Etat, les médias turcs sont censés exercer depuis l’extérieur un contrôle sur les abus du pouvoir. Les médias turcs ont toujours été implacables dans leurs enquêtes sur les abus du pouvoir et la corruption. Peu après son entrée en fonction, Erdoğan a cependant affiché son intolérance vis-à-vis de la notion de liberté de la presse. Le gouvernement de l'AKP a systématiquement cherché à créer un monopole des médias pour qu’ils parlent d'une seule voix au nom du gouvernement. Erdoğan se déchaîne contre les organes de presse qu'il ne contrôle pas. Lors de son premier mandat, Erdoğan a intenté plus d'une centaine de poursuites contre soixante-trois journalistes et seize publications ainsi que de nombreux écrivains et des membres et parlementaires de tous les partis de l'opposition. Le nombre de poursuites judiciaires pourrait être encore plus élevé. En 2008, Erdogan a refusé de répondre à une question parlementaire d’un député de la gauche démocratique sur le nombre de poursuites qu’il avait engagé contre des journalistes en prétendant que de telles informations sont « du domaine de sa vie privée. » La plupart des procès qu'Erdogan intente contre des journalistes se rapportent à des critiques qui seraient considérées comme légitimes dans toute autre démocratie. En 2005, par exemple, il a poursuivi Musa Kart le caricaturiste du journal Cumhuriyet pour l’avoir dessiné en chat empêtré dans une pelote de ficelle. L'année dernière, il a poursuivi le magazine d’humour Leman pour l’avoir ridiculisé sur sa couverture du 30 janvier 2008.
Erdoğan a perdu certains de ses procès, et les tribunaux ont rejeté certaines de ses plaintes, mais l'effet recherché n'en a pas moins été obtenu. Les journalistes savent que non seulement le premier ministre cherchera à les étrangler financièrement s’ils le critiquent mais que l'AKP pourrait même confisquer leurs publications. Au cours des 6 ans de règne de l'AKP, le gouvernement a saisi plusieurs médias pour les revendre à des sociétés pro AKP affiliées à la confrérie de Gülen. En Avril 2007, par exemple, le Fonds d’assurance-épargne gouvernemental (Tasarruf Mevduatı Sigorta Fonu, TMSF) a saisi Sabah-ATV, le deuxième plus grand groupe de médias de Turquie lors d'un raid avant l'aube. Le TMSF, dirigé par des personnes nommées par Erdogan, l’a ensuite revendue au groupe Calik Holding dont le PDG n’est autre que le beau-fils de M. Erdoğan. Calik a financé cet achat avec des fonds publics levés sous forme de prêts auprès de deux banques d'État et en partenariat avec une toute nouvelle société de médias basée au Qatar qui a acheté 25 pour cent des actions de Sabah. C’est Abdullah Gül qui a présenté Ahmet Calik à Hamad bin Khalifa, l’Emir du Qatar, lors de sa visite de janvier 2008 en Syrie ; Calik a également accompagné Gül en février et Erdoğan en avril lors de leur visite au Qatar. La presse a indiqué que d'autres consortiums ayant, dans un premier temps, manifesté leur intérêt pour l'achat de Sabah-ATV sur leurs propres fonds se sont retirés de l'appel d'offres après qu’Erdoğan soit intervenu auprès d’eux, laissant Calik seul soumissionnaire. Sabah est depuis devenu un ardent défenseur du gouvernement AKP. En Septembre 2008, Erdogan a exigé que tous les membres du parti boycottent les journaux détenus par le Groupe Dogan Media après que ce dernier ait publié un article sur le blanchiment d'argent par les organisations de bienfaisance islamistes .
Sans compter les stations de télévision et les radios islamistes, des journaux tels que Zaman, Sabah, Yeni Safak, Türkiye, Star, Bugün, Vakit, et Taraf sont tous propriétés de membres de l'AKP et /ou liés à Gülen . En volume, ces quotidiens représentent au moins 40 % de toutes les ventes de journaux en Turquie .
Quels sont les projets de Gülen ?
Les conglomérats ont longtemps eu une position dominante dans la société turque. Des hommes d'affaires laïcs comme Aydın Doğan et Mehmet Emin Karamehmet ont des intérêts non seulement dans l'industrie mais aussi dans les médias, le secteur bancaire et même l'éducation. Cependant, jamais un seul individu n’avait lancé un mouvement qui cherche à transformer si fondamentalement la société turque. Gülen exerce son pouvoir sur un empire médiatique, un vaste réseau de fidèles bureaucrates, des universités et écoles, des procureurs et des juges partisans, les services de sécurité et les agences de renseignement, des entrepreneurs, des associations professionnelles, des ONG, des syndicats, des enseignants et des médecins et des hôpitaux.
Ce qui rend Gülen si dangereux ? Ce sont les enseignements et les sermons de Gülen qui fournissent les meilleures réponses.
En 1999, la télévision turque avait diffusé des images de sermons de Gülen devant une foule de partisans au cours desquels il a révélé son rêve d’une Turquie islamiste régie par la charia (loi islamique) ainsi que les méthodes à employer pour y parvenir. Dans ces sermons, il déclare :
« Vous devez vous introduire au cœur du système sans que personne ne s'aperçoive de votre existence jusqu’à ce que vous atteigniez tous les centres du pouvoir... jusqu'à ce que les conditions soient réunies, ils doivent continuer ainsi. S'ils agissent prématurément, le monde nous écrasera la tête et les musulmans souffriront partout, comme lors des tragédies en Algérie, comme en 1982 Syrie ... comme chaque année dans les catastrophes et les tragédies en Egypte. Le temps n'est pas encore venu. Vous devez attendre le moment où vous serez prêts et où les conditions seront réunies, jusqu’à ce que nous puissions porter le monde entier sur nos épaules et l’emporter ... Vous devez attendre jusqu'à ce que vous teniez tous les rênes de l'Etat, jusqu'à ce que vous avez mis de votre côté tout le pouvoir des institutions constitutionnelles de Turquie ... jusqu'à ce moment-là, toute mesure prématurée reviendrait à casser un œuf sans attendre les quarante jours pour son éclosion. Ce serait tuer le poussin dans l’oeuf. Notre travail est face au monde. Je viens de vous exprimer mes sentiments et mes pensées en confiance ... j’ai confiance en votre loyauté et votre discrétion. Je sais que quand vous sortirez d'ici comme vous vous débarrassez de vos canettes de jus vides, vous jetterez les pensées et les sentiments que j'ai exprimés ici. »
Il a continué,
« Quand tout était cadenassé et toutes les portes verrouillées, nos maisons d’Isik ont assumé un rôle bien plus important que celles des temps anciens. Dans le passé, quelques-unes des fonctions de ces maisons étaient assurées par les madrasas , d’autres par les écoles, d’autres par les tekkes ... Ces maisons d’Isik en même temps des écoles, des madrasas, des tekkes. La permission n’en est pas venue de l'état ou des lois de l'État, ou des gens qui nous gouvernent. La permission a été donnée par Dieu ... qui voulait que Son Nom soit appris et qu’on parle, étudie et discute dans ces maisons, comme on le faisait dans les mosquées . »
Dans un autre sermon déclare :
« C’est un printemps douloureux que nous que nous vivons. Une nation est en train de naître à nouveau. Une nation de millions de nouveau-nés qui vivra pendant de longs siècles, si Dieu le veut ... Elle est née avec sa propre culture, sa propre civilisation. Si donner naissance à une seule personne est si douloureux, la naissance de millions ne peut pas aller sans douleur. Naturellement nous allons connaître la douleur. Il ne sera pas facile pour une nation qui a accepté l'athéisme et le matérialisme, une nation habituée se fuir elle-même, de remonter sur son cheval et chevaucher à nouveau. Ce ne sera pas facile, mais toutes nos souffrances et nos sacrifices en valent la peine . »
Et, dans un autre sermon :
« La philosophie de notre tâche, c'est que nous ouvrons un établissement quelque part et, avec la patience de l’araignée, tissons notre toile, nous attendons que les gens s’y prennent et alors nous les éduquons. Nous ne tissons pas de toile pour les manger ou les consommer mais pour leur montrer le chemin de leur résurrection, insuffler la vie dans leur corps et leurs âmes morts et leur donner une vie. »
Beaucoup de partisans de Gülen et les médias islamistes affiliés à la cemaat ont insinué que ces sermons ont été déformés mais leurs dénégations ne sont pas convaincantes au regard de ces vidéos et des témoignages des transfuges du mouvement de Gülen.
Le gouvernement des États-Unis soutient-il Gülen ?
De nombreux analystes turcs estiment que juste avant l'élection de M. Erdoğan, Gülen et ses soutiens au sein de l’administration américaine l’ont aidé à obtenir une invitation à la Maison Blanche fuste au moment où Erdoğan était interdit d’activité politique en Turquie à cause de ses menées islamistes, un évènement qui fut considéré comme une bénédiction des États-Unis avant les élections de 2002 en Turquie. Que le gouvernement des États-Unis et, plus précisément la Central Intelligence Agency, soutienne le mouvement de Gülen est un secret de polichinelle au sein de l'élite laïque turque, même si aucune preuve tangible n'existe pour étayer cette allégations.
Lorsque les laïcs turcs sont invités à démontrer que Gülen bénéficie du soutien des États-Unis, ils font souvent remarquer qu’il réside depuis près de 20 ans dans l'est de la Pennsylvanie.
Peu après que la Cour suprême d'appel de Turquie (Yargitay) ait confirmé le 24 Juin 2008, la décision d'un premier tribunal d'acquitter Gülen sur des charges de constitution d’une organisation terroriste illégale pour renverser le gouvernement laïc de Turquie, Gülen a remporté une autre bataille judiciaire, aux États-Unis cette fois.
Un tribunal fédéral a cassé les décisions du U.S. Department of Homeland Security and U.S. Citizenship and Immigration Service rejetant la demande de Gülen d’un titre de séjour permanent aux États-Unis en estimant que le fait que Gülen se présente comme doté de «capacité extraordinaire dans le domaine de l'éducation » ne répond pas aux critères requis. Le Department of Homeland Security avait alors défini Gülen comme un homme qui n’est ni un expert dans le domaine de l'éducation ni un éducateur mais plutôt "le leader d'un important et influent mouvement politico-religieux possédant d’immenses intérêts commerciaux."
Bien que la décision du tribunal autorisant Gülen à rester aux États-Unis ait donné du grain à moudre aux analystes turcs qui suggèrent le soutien américain à Gülen, le procès fut très révélateur. En effet, le gouvernement des États-Unis a noté que la plupart des éloges faits sur Gülen proviennent de personnes parrainées ou financée par son mouvement. Gülen a joint à sa requête du 18 juin 2008 vingt-neuf lettres de recommandation. La plupart émanaient de théologiens ou de personnalités politiques turques proches ou membres de son organisation mais aussi de John Esposito, directeur fondateur du Center for Muslim-Christian Understanding financé par le prince saoudien Alwaleed Bin Talal , qui, après avoir reçu des dons du mouvement de Gülen, a parrainé une conférence en son honneur. Deux anciens responsables de la CIA, George Fidas et Graham Fuller, et l'ancien ambassadeur américain en Turquie Morton Abramowitz ont également fourni des lettres de recommandation.
Les lettres ont fait leur petit effet. Le 16 Juillet 2008, le U.S. district judge Stewart Dalzell a rendu un arrêt en faveur de la requête de Gülen et ordonnant à l'US Citizenship and Immigration Service d'approuver sa demande de statut de travailleur étranger en tant que ressortissant étranger aux capacités extraordinaires. Le 1ier août 2008, le tribunal a jugé que l'examinateur de l'immigration a conclu à tort que le domaine éducatif était la seule catégorie réglementaire dans lequel les réalisations de Gülen pouvaient être démontrées et que ses réalisations dans des domaines tels que la théologie, la science politique, et les études islamiques devaient également être prises en considération. Le tribunal a en outre jugé que le U.S. Department of Homeland Security and U.S. Citizenship and Immigration Service avait erronément conclu que le travail de Gülen n'était pas "scientifique" en s’en tenant à une définition trop étroite du terme. Enfin, pour ce qui concerne l'obligation légale du demandeur de démontrer que son séjour aux États-Unis bénéficiera substantiellement aux États-Unis, le tribunal a jugé que Gülen a satisfait à l'exigence.
Quel que soit le raisonnement juridique de la Cour, la décision américaine d'accorder un permis de séjour à Gülen permet à son mouvement de continuer à se targuer du soutien de Washington pendant que l'AKP et ses fethullahistes s’efforcent d’écarter la Turquie de la laïcité sur laquelle elle s’est construite
Conclusions
Gülen bénéficie du soutien de nombreux amis, de compagnons de route idéologiques, de journalistes et d’universitaires pistonnés. Trop souvent, les craintes sur les activités de Gülen sont balayées par les médias turcs, américains et européens comme étant de la paranoïa.
Lorsque le procureur en chef de la Turquie inculpa l'AKP pour avoir tenté de porter atteinte à la constitution laïque, les médias pro-islamistes en Turquie ainsi que des diplomates et des journalistes occidentaux présentèrent l'affaire comme un "coup d'état judiciaire antidémocratique." Pourtant, en même temps, beaucoup des mêmes saluérent l'acte d'accusation d'Ergenekon, mettant d’un côté l'islamisme et la démocratie, la laïcité et le fascisme de l'autre. La propagande serinée dans la presse islamiste qui présente les islamistes de Turquie comme des «démocrates réformistes» et des modernistes et les Turcs laïcs comme des «fondamentalistes» est probablement l'un des mensonges les plus éhontés mais malheureusement les plus efficaces de la politique moderne.
En effet, la Turquie n'a jamais connu un seul cas d'agression contre des musulmans pieux qui font le jeûne du Ramadan, alors que ces dernières années il y a eu de nombreux agressions contre les Turcs qui boivent de l'alcool à jeun ou non. Les femmes qui couvrent leur têtes du voile islamique peuvent se déplacer librement dans toutes les régions du pays, les femmes non voilée sont de moins en moins les bienvenues dans certaines régions et sont souvent agressées .
Contrairement à l'impression répandue en Occident il n’y a pas de conflit entre les musulmans religieux et « les kémalistes laïques anti-religion» : le fait demeure que la majorité des Turcs, laïques inclus, sont des musulmans traditionnels et pratiquants dont beaucoup se définissent comme "musulmans d’abord."
Bien que la constitution turque reconnaisse tous les citoyens turcs comme des "Turcs", le sentiment dominant dans le pays a toujours été que pour être considéré comme un Turc il faut être musulman. L'absence totale du moindre gouverneur, ambassadeur, officier ou agent de police non-musulman témoigne de la prévalence de la domination de l'Islam dans l'establishment turc.
Il est donc manifeste que Gülen ne se bat pas pour les libertés individuelles mais pour libérer l'Islam de la mosquée et de la sphère de la vie privée et le porter sur le devant de la scène publique, pour qu’il régisse tous les aspects de la vie dans le pays. Les dirigeants de l'AKP, y compris Gül et Erdogan, ont maintes fois exprimé leur opposition à "l’emprisonnement de l'islam dans les mosquées," exigeant qu'il soit présent partout en tant que mode de vie. La plupart des Turcs se souviennent très bien des déclarations de dirigeants de l'AKP qui, il n’y a pas si longtemps, rejetaient la définition de la laïcité comme «séparation de la mosquée et de l'Etat." (Le président) Gül a pourfendu la "laïcité" à de nombreuses reprises, y compris dans une interview avec The Guardian le 27 novembre 1995.
Ce que les islamistes turcs veulent en réalité, c'est liquider les principes fondateurs de la République turque. Tant que les responsables américains et Occidentaux ne parviendront pas à reconnaître que la rhétorique de Gülen sur la tolérance n’est que du camouflage, ils prépareront le terrain à un vaste débat, pas sur la tolérance religieuse, mais plutôt pour trouver une réponse à la question «Qui a perdu la Turquie ? "
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"Turkish PM Erdogan in Speech during Term as Istanbul Mayor Attacks Turkey's Constitution, Describing It as ‘A Huge Lie': ‘Sovereignty Belongs Unconditionally and Always To Allah'; ‘One Cannot Be a Muslim and Secular,'" MEMRI Special Dispatch No. 1596, May 23, 2007.
Traduction : caius