Ah voilà, Val d'Europe.
Disney a-t-il inventé une autre façon de vivre ? C’est avec cette question en tête que le chercheur et journaliste Hacène Belmessous nous entraîne sur les pas de son enquête sur le Val-d’Europe, secteur oriental de Marne-la-Vallée dont l’aménagement a été confié par l’État à la société américaine Disney. En une vingtaine d’années, celle-ci a complètement redessiné les cinq villages de ce territoire briard rural.
« Les gens vivent ici pour le cadre, la tranquillité et la sécurité. » Ce propos d’un élu local résume les aspirations des habitants que H. Belmessous a rencontrés dans deux villages, résidentiel et bourgeois pour l’un, plus mixte pour l’autre. La population nouvelle qui s’est installée dans les « maisons Disney » y a, semble-t-il, trouvé un bonheur bâti autour de la propriété d’un pavillon, d’un environnement naturel plus ou moins préservé et de l’assurance de ne pas revivre les affres des cités. Ce « nouveau bonheur français » surfe sur l’échec des banlieues en tournant le dos au projet d’une ville propice aux rencontres et à la diversité, et privilégie le côté rassurant de l’entre-soi. Le logement social, peu conforme à l’individualisme ambiant, y occupe une place restreinte. « Les gens modestes doivent montrer qu’ils sont dignes de vivre ici », souligne une occupante d’un logement social, l’une des rares à critiquer le « Disney’s way of life ».
L’auteur s’interroge sur les raisons pour lesquelles cet aménagement si caricatural suscite apparemment l’adhésion populaire alors même que voici vingt ans, l’arrivée de Disney avait soulevé une vague de protestations. « Le Val-d’Europe met en relief l’espoir d’un nouveau commencement », note-t-il. En fait, Disney remet au goût du jour le rêve d’une société idyllique, d’un nouvel Éden en se présentant comme un « refuge contre la médiocrité ambiante ». « Ici, tout est parfait », affirme un habitant.
Mais que deviendra ce territoire à partir de 2017, date de la fin de convention liant l’État et Disney ? « Soit il deviendra un espace global, la plus grande enclave résidentielle d’Europe, soit il se décomposera, anéanti par une réalité qu’il ne pourra plus fuir », estime l’auteur. Ce livre d’enquête, vivant et engagé, pourrait utilement alimenter le débat autour de la ville.