Directeur adjoint du Laboratoire de géologie de l'Ecole normale supérieure de Paris, Christophe Vigny, directeur de recherches au CNRS, explique le mécanisme du séisme.
Le séisme qui s'est produit mercredi 11 avril au large de Sumatra est-il de même nature que celui de décembre 2004, qui avait provoqué un gigantesque tsunami responsable de plus de 220 000 morts sur le pourtour de l'océan Indien ?
Il s'est produit dans la même zone que celui du 26 décembre 2004, au large deBanda Aceh (île de Sumatra). Cette même zone avait aussi été touchée, en mars 2005, par un séisme de magnitude 8,5, qui avait engendré un tsunami beaucoup moins important que celui de 2004, mais qui avait fait plusieurs centaines de morts sur l'île de Nias.
Mais le mécanisme a été cette fois très différent. En 2004, le séisme avait été produit par un phénomène de subduction : le glissement de la plaque tectonique indienne sous la plaque continentale de la Sonde (sorte de promontoire de l'Eurasie en Asie du Sud-Est). Le séisme du 11 avril, lui, s'est produit dans la plaque indienne elle-même. Il résulte d'un mouvement de coulissage horizontal, le long d'une grande faille verticale orientée vers le nord, avec un angle de 20 degrés vers l'est.
Quelle est l'origine de cette faille ?
Il s'agit d'une cassure de ce qu'on pensait autrefois former une seule plaque, la plaque indo-australienne, et qui est en réalité formée de deux blocs : la plaque indienne et la plaque australienne. L'ensemble "monte vers le nord", mais l'Indene cesse de ralentir depuis qu'elle est entrée en collision continentale avec l'Eurasie (il y a environ 60 millions d'années), alors que l'Australie continue. Une zone de fracture est donc apparue entre l'Inde et l'Australie.
Ces failles du bassin de Wharton sont connues depuis longtemps (travaux deChristine Deplus de l'Institut de physique du globe de Paris publiés dans la revue Geology en 1998) et leur activation par le séisme de 2004 a déjà été constatée dans les années passées (travaux de Nicolas Chamot-Rooke etMatthias Delescluse au Laboratoire de géologie de l'ENS).
Pourquoi n'y a-t-il pas eu, cette fois, de tsunami ?
A la différence d'un processus de subduction, le coulissage de deux plaques le long l'une de l'autre ne provoque pas de surrection du sol. Le fond de l'océan ne s'est pas mis à monter brutalement. On ne s'attend donc pas à un tsunami géant du type de celui de 2004 ou du Japon en 2011. Mais cela ne veut pas direqu'il ne peut pas y avoir d'agitation de la mer consécutive à un tel séisme. Les ondes sismiques peuvent provoquer des effondrements ou des glissements de terrain sous marins qui peuvent entraîner des déplacements de masses d'eau susceptibles de produire des inondations, mais en général plus locales. L'évacuation des côtes est donc justifiée par un principe de précaution élémentaire.
Des répliques se produisent. Quelle peut être la suite des événements ?
Ce séisme est le plus grand séisme décrochant connu. Il va donc être beaucoup étudié. Il est normal qu'il génère des répliques en grand nombre. De vraies répliques se produisent : ce sont des séismes plus petits, sur le plan de faille qui a rompu. D'autres séismes sont déclenchés dans toute la zone sur d'autres failles mises sous contrainte par cette rupture. La première très grosse réplique (de magnitude supérieure à 8) confirme l'hypothèse du décrochement orienté vers le nord avec un angle de 20 degrés vers l'est : elle est située plus au sud, alignée dans la direction de la faille initiale. Il se produit aussi une myriade de plus petites "répliques" sur plusieurs centaines de kilomètres. Toutes les failles de la région semblent avoir été activées par le séisme de 2004.
lemonde.fr
La planète serait en expansion ?!