Les revendications des Musulmans sur Jérusalem
par Daniel Pipes Controverses: Revue d'Idées (juin 2011)
Le deuxième sommet de Camp David et l'«intifada Al-Aqsa» qui s'ensuivit vinrent confirmer ce que tout le monde savait depuis longtemps: Jérusalem constitue le problème le plus épineux auquel s'achoppent les négociations entre Arabes et Israéliens.
La question est en partie d'ordre pratique: les Palestiniens tiennent à ce que la capitale d'Israël devienne également celle de leur futur État, une chose que les Israéliens éprouvent beaucoup de peine à accepter. Mais le problème est surtout de nature religieuse: cette cité historique possède des lieux sacrés pour les Juifs comme pour les Musulmans (et pour les Chrétiens, naturellement, mais les Chrétiens actuels ne font pas valoir de droits politiques sur Jérusalem), et tous deux revendiquent avec insistance la souveraineté sur leurs lieux saints respectifs, lesquels se recoupent en partie.
À Jérusalem, les revendications théologiques et historiques ont de l'importance. Elles constituent l'équivalent des actes notariés de la ville et exercent une influence directe et concrète sur les événements. Les liens juifs et musulmans avec la cité nécessitent donc une évaluation.
Comparaison des revendications religieuses
Les attaches liant les Juifs à Jérusalem sont anciennes et puissantes. Le Judaïsme fit de Jérusalem une ville sainte il y a plus de trois mille ans et les Juifs lui restèrent fidèles durant toute cette période. Les Juifs prient dans sa direction, mentionnent son nom constamment dans leurs prières, terminent la Pâque par la déclaration nostalgique «l'an prochain à Jérusalem» et évoquent la ville en rendant les grâces après chaque repas. La destruction du Temple pèse lourdement sur la conscience juive; sa commémoration revêt plusieurs formes, telles qu'une journée de deuil, des maisons dont une partie est laissée inachevée, le maquillage ou la parure des femmes volontairement incomplets et un verre brisé pendant les cérémonies nuptiales. De plus, Jérusalem a joué un rôle historique majeur, elle est l'unique capitale des Juifs et la seule cité habitée en majorité par des Juifs pendant l'ensemble du siècle passé. Pour reprendre les termes de son maire actuel, Jérusalem représente «la pure expression de tout ce pourquoi les Juifs ont prié, rêvé, pleuré et rendu l'âme depuis les deux mille ans qui nous séparent de la destruction du deuxième Temple».
Qu'en est-il des Musulmans? Quelle est la place de Jérusalem dans l'Islam et dans l'histoire des Musulmans? Ce n'est pas le lieu vers lequel ils se dirigent pour prier, son nom n'est pas mentionné une seule fois dans leurs prières, et elle n'est liée à aucun événement de la vie de Mahomet. La cité n'a jamais été la capitale d'un État souverain musulman, et elle n'en a jamais constitué un centre culturel ou universitaire. Fort peu d'initiatives politiques islamiques notables y trouvèrent leur origine.
La comparaison suivante est très révélatrice à cet égard: Jérusalem apparaît 669 fois et Sion (qui signifie habituellement Jérusalem, et parfois la terre d'Israël) 154 fois dans la Bible juive, soit 823 fois au total. La Bible chrétienne mentionne Jérusalem 154 fois et Sion 7 fois. En revanche, comme le relève le chroniqueur Moshe Kohn, Jérusalem et Sion apparaissent aussi fréquemment dans le Coran «que dans la Bhagavad Gita hindoue, le Tao te King taoïste, le Dhammapada bouddhiste et le Zend Avesta de Zarathoustra» – c'est-à-dire tout simplement pas.
Cette ville étant aussi clairement de peu d'importance religieuse pour eux, pourquoi les Musulmans lui accordent-ils tant d'attention, au point qu'un sionisme musulman semble sur le point de faire surface dans le monde musulman? Pourquoi les manifestants palestiniens arpentent-ils les rues en criant «Nous verserons notre sang pour toi, Jérusalem» et pourquoi leurs condisciples jordaniens s'exclament-ils «Nous sacrifions notre sang et notre âme pour Al-Aqsa»? Pourquoi le roi Fahd d'Arabie Saoudite exhorte-t-il les Musulmans à protéger «la ville sainte appartenant à tous les Musulmans de par le monde»? Pourquoi deux sondages réalisés auprès de Musulmans américains révèlent-ils que Jérusalem constitue la question de politique étrangère la plus cruciale à leurs yeux?
Les raisons en sont politiques. Un survol historique montre que l'impact de la cité et des émotions qu'elle suscite auprès des Musulmans croît régulièrement lorsqu'elle revêt une grande importance politique. Inversement, lorsque l'utilité de Jérusalem s'amoindrit, son statut et les passions qu'elle incarne pâlissent à l'unisson. Ce phénomène apparut pour la première fois du vivant du prophète Mahomet, au début du VIIe siècle, et il se répéta à cinq reprises par la suite: à la fin du VIIe siècle, pendant les Croisades du XIIe et du XIIIe siècles, sous le règne britannique (1917–1948) et depuis qu'Israël prit le contrôle de la ville en 1967. Cette régularité, qui s'impose sur une période aussi longue, fournit une perspective déterminante pour juger de la confrontation actuelle.
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Le "Voyage nocturne" du prophète Mahomet n’a pas eu lieu à Jérusalem mais à Médine.
par Ahmed Mohammed Arafa, chroniqueur de l'hebdomadaire égyptien Al-Qahira, publié par le ministère égyptien de la culture. Traduit et publié par Memri - Septembre 5, 2003- No.564
Ahmed Mohammed Arafa écrit un article rejetant la croyance islamique communément admise selon laquelle le 'Voyage nocturne' du prophète Mahomet (Coran 17: 1) aurait conduit ce dernier de la Mecque à Jérusalem. Arafa, présentant un nouveau commentaire du texte coranique, affirme que le Voyage nocturne de la surate Al-Isra ne se réfère pas au voyage miraculeux de la Mecque à Jérusalem, mais à l'émigration du Prophète de la Mecque à Médine.
Il convient de noter que la croyance selon laquelle le Voyage nocturne de Mahomet était un voyage miraculeux à Jérusalem est l'un des principaux fondements de la sainteté de Jérusalem dans l'islam. De nombreuses traditions islamiques s'y réfèrent, traditions que l'auteur rejette de façon explicite ou implicite. Le fait que cet article ait été publié dans un journal gouvernemental ajoute à sa signification politique. Voici une traduction de l'article, intitulé: 'Le Voyage nocturne du prophète Mahomet a-t-il eu lieu en Palestine ou à Médine?', publié le 5 août 2003 (1)
Où se trouve la mosquée d'Al-Aqsa?
«'Loué soit Celui qui a emporté Son serviteur de nuit (Isra) de la mosquée Al-Haram jusqu'à la mosquée Al-Aqsa , dont Nous avons béni les environs, afin de lui montrer certains de Nos signes, car Il est Celui qui entend tout et qui voit tout' (surate Al-Isra : 1)
Ce texte nous dit qu'Allah a saisi son Prophète à la mosquée Al-Haram pour le conduire à la mosquée Al-Aqsa. Il évoque donc deux mosquées, la première étant la mosquée Al-Haram. Al-Aqsa est un superlatif qui signifie 'la plus éloignée'. Ainsi, l'endroit où le Prophète a été emmené est très certainement une mosquée, et non l'emplacement d'une future mosquée, ou le lieu d'une mosquée n'étant plus. Ce lieu est sans doute très éloigné de la mosquée Al-Haram. Il s'agit d'une mosquée non nécessairement édifiée, vu que la mosquée Al-Haram elle-même ne consistait à l'époque qu'en un espace ouvert entourant la Kaaba .
Mais en Palestine à cette époque, il n'existait aucune mosquée susceptible de représenter cette mosquée 'la plus éloignée' d'Al-Haram. A cette époque, nul en ne croyait en Mahomet et aucun groupe ne serait retrouvé pour prier en un lieu spécifique faisant office de mosquée. La plupart des habitants de la Palestine étaient chrétiens, et parmi eux se trouvait une minorité juive. Bien que le Coran mentionne avec respect des lieux de culte juifs et chrétiens, il ne les qualifie jamais de mosquées, mais plutôt d' 'églises' et de 'synagogues' (surate Al-Hajj : 40). L'édification de la mosquée qui se trouve actuellement à Jérusalem et qui est connue sous le nom de mosquée Al-Aqsa, n'a débuté qu'en l'an 66 de l'Hégire, c'est-à-dire à l'époque de l'Etat ommeyade, et non à celle du Prophète ou des vertueux califes. Voilà pour la mosquée.
Le Voyage nocturne: le Prophète fuyant ses ennemis
Venons-en au terme 'Isra': si nous ouvrons le Coran pour voir dans quel contexte il se trouve mentionné, nous voyons qu'il figure dans versets (…) (2). Nous constatons qu' 'Isra' signifie 'se déplacer secrètement d'un lieu de danger à un lieu sûr'. L'expression 'il a emporté son serviteur de nuit' signifie que ce dernier a reçu l'ordre de s'éloigner en secret de ses ennemis pour se rendre en un lieu sûr pour lui et sa mission. En d'autres termes, le texte parle de l'Hégire du Prophète de la Mecque à Médine, et non d'une visite en Palestine. En effet, L'Hégire du Prophète est intervenue à l'insu de ses ennemis.
Revenons au début de la surate Al-Isra: Allah explique la raison du Voyage nocturne (Isra) par les mots 'afin de lui montrer certains de Nos signes'. Les exégètes et ceux qui transmettent les traditions ont généralement institué que le texte se réfère là au fait de voir les prophètes et de diriger leur prière. Certains ajoutent l'ascension de Mahomet aux cieux, le fait qu'il ait vu le Paradis et l'Enfer. Comment interpréter 'les signes d'Allah' ici? Quelle est la plus acceptable de ces interprétations?
, nous interprétons cela comme la délivrance du Prophète de ses ennemis, lesquels complotaient sournoisement de l'assassiner ou de le capturer, et la création par Mahomet de l'Etat à Médine, sa victoire lors de la bataille de Badr, le traité d'Al-Hudaybiyya, puis la conquête de la Mecque et la propagation de son appel (Dawa). Il s'agit là de signes tangibles placés dans le monde des hommes, qui résultaient tous du Voyage nocturne du Prophète de la Mecque à Médine.
En revanche, les signes cités par les exégètes et ceux qui transmettent les hadiths ne se rapportent pas à ce monde. Ils doivent être compris comme des métaphores, à moins que la nature physique du Prophète n'ait subi un changement lui ayant permis de véritablement voir . Mais dans les deux cas, il ne s'agirait pas de signes, parce que pour qu'un signe soit véritablement d'origine divine, il doit être bien visible et l'homme qui le voit doit se trouver dans un état physique normal. En outre, le fait que la raison du Voyage nocturne soit expliquée par Ses termes 'afin de lui montrer certains de Nos signes' indique que le Voyage nocturne était une condition à l'apparition de ces signes – que lui, Mahomet, ne verrait aucun de ses signes s'il ne se rendait pas en un endroit précis.
Le voyage de nuit a eu lieu à Médine, et non à Jérusalem
Nous disons donc que le triomphe de l'appel du Prophète (Dawa) dépendait du voyage à Médine, où se trouvait l'Ansar . En revanche, le voyage du Prophète à Jérusalem n'était pas une condition préalable pour qu'il voie certains ou tous les prophètes qui l'avaient précédé, parce que le miracle de leur résurrection, ou celui de l'admission du Prophète dans leur demeure ne dépendait pas de son voyage à Jérusalem. Même si nous supposons, pour les besoins de la discussion, que tous les prophètes avaient été enterrés à Jérusalem et en avaient fait un lieu de culte, il convenait plutôt qu'ils viennent à lui, à La Mecque, par estime pour lui et pour La Mecque, qui allait être le nouveau centre du culte de Dieu.
Si nous allons plus avant dans le texte saint, nous trouvons ce qu'il dit, dans ce qui semble être une explication de la raison des signes vus par le Prophète: 'Il est Celui Qui Entend Tout et Qui Voit Tout'. Cela signifie qu'Allah a emmené Son Prophète de la Mosquée Al-Haram à la mosquée le plus éloignée, parce qu'Il a entendu et vu des choses qui sont en rapport avec cet événement. Quelqu'un prétendra-t-il que le Prophète a demandé à Allah de lui montrer la Palestine, ou l'emplacement du Temple de David, ou un certain nombre de prophètes qui avaient été envoyés avant lui, ou le monde et le paradis et l'enfer célestes? Si quelqu'un prétend cela, il invente un mensonge au sujet du Prophète.
En ce qui nous concerne, par contre, nous disons qu'Allah a entendu la supplication du Prophète pour qu' le protége contre le complot ourdi par sa tribu , et lui fournisse un asile sûr pour sa mission dans le milieu arabe. Et Lui a vu leur complot pour l'assassiner ou le capturer . Par conséquent, l'Isra, qui est l'équivalent de l'émigration (Hégire) dans le secret, a eu lieu exactement le jour même où ils avaient décidé de l'assassiner ou de le capturer.
La Mosquée de Médine
Une des traditions au sujet de l'Hégire du Prophète relate: 'Il a alors poursuivi sa route jusqu'à Médine et y est entré après que se fussent écoulées douze nuits depuis le mois de Rabi' Al-Awwal. L'Ansar se rassemblèrent autour de lui, de chacun d'entre eux essayant de saisir le mors de son chameau et l'invitant chez lui. Mais il a dit: Seul laissez-la tranquille, car elle a des ordres. Sa chamelle continua à cheminer par les chemins étroits et les allées de Médine jusqu'à ce qu'elle ait atteint un Marbid qui appartenait à deux jeunes orphelines du des Banu Al-Najjar, devant la maison d'Abu Ayyub Al-Ansari. Alors, le Prophète dit: 'Voici le lieu de la halte, par la volonté d'Allah. As'ad Ibn Zurara utilisait cet endroit pour prier avant l'Hégire du Prophète, et il avait l'habitude d'y amener ses amis pour la prière'. Alors, le Prophète donna l'ordre que cet endroit soit transformé en mosquée, et il en acheta la terre pour 10 dinars.' C'est un résumé tiré du livre Fiqh Al-Sira, par Al-Buti. (3). L'expression 'lieu de prière' , qui figure dans le texte ci-dessus est l'équivalent du terme Masjid . En d'autres termes, ce récit traditionnel confirme que la destination finale de l'Hégire du Prophète, qui a été effectué secrètement était une mosquée – c'est-à-dire un lieu de prière – à Médine.
En conclusion, le Voyage nocturne (Isra) n'a pas eu lien en Palestine, mais bien à Médine. Il a commencé à la Mosquée Al-Haram après que le Prophète y ait prié avec son compagnon (4), et tous deux partirent de là, et le voyage finit à la mosquée de As'ad ibn Zurara, devant la maison d'Abu Ayyub Al-Ansari, à Médine, où le Prophète édifia la mosquée connue sous le nom de Mosquée du Prophète. Les détails du voyage de l'Hégire sont exactement les mêmes que ceux du Voyage nocturne (Isra), parce qu'en fait, le Voyage nocturne est l'Hégire secrète.»
(1) Al-Qahira (Egypte), 5 août 2003.
(2) L'auteur y cite et interprète cinq versets coraniques dans lesquels ce verbe apparaît - 11 (Hud); 15 (Al-Hijr); 20 (TaHa); 26 (Al-Shu'ara'); 44 (Al-Dukhan): 23 - afin d'établir la signification d'Isra dans l'usage coranique.
(3) Le savant religieux Muhammad Sa'id Ramadan Al-Buti.
(4) Selon la tradition islamique communément admise, ce compagnon était Abu Bakr.