Birmanie : Aung San Suu Kyi élue députée, selon son parti
Après 15 ans de résidence surveillée, l'opposante Aung San Suu Kyi vient d'être élue députée en Birmanie, a annoncé son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Elle aurait remporté 99% des voix dans sa circonscription rurale de Kahwmu, a déclaré à l'AFP Soe Win, un cadre de la Ligue, tandis que des milliers de partisans hurlaient leur joie et chantaient devant le siège du parti à Rangoun.
Les Birmans votaient ce dimanche dans des élections partielles historiques, un test majeur pour la crédibilité internationale du nouveau régime, que l'opposition a toutefois accusé d'irrégularités. Les électeurs ont commencé leur devoir civique comme prévu à 6 heures locales (samedi 1h30 à Paris). Les bureaux de vote étaient censés fermer à 16 heures locales (10h30 à Paris).
«Aung San Suu Kyi a remporté 82% des voix» a déclaré à la mi-journée Tin Oo, un cadre de la Ligue, tandis que des centaines de partisans de l'opposante hurlaient leur joie et chantaient devant le siège du parti, à Rangoun. L'opposition assure par ailleurs être «en tête» pour les 44 sièges où elle se présente.
Irrégularités?
L'opposition avait dénoncé ce matin (7 heures à Paris) des irrégularités sur les bulletins de vote. «C'est le cas partout dans le pays, la commission électorale est responsable de ce qui se passe», a déclaré Nyan Win, du parti de Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), en précisant qu'une plainte serait déposée. «Les élections ont l'air de bien se passer pour l'instant», avait pourtant estimé un peu plus tôt à Phnom Penh Surin Pitsuwan, le secrétaire général de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui a envoyé des observateurs sur place.
Suu Kyi était favorite
Considérée il y a encore deux ans comme l'ennemie publique numéro un par la junte alors au pouvoir, Suu Kyi était très largement favorite même si elle affronte le verdict des urnes pour la première fois. Après avoir mis un terme à ses derniers déplacements à la suite de problèmes de santé mineurs, Suu Kyi semblait en meilleure forme, tout sourire alors qu'elle déambulait dimanche dans les villages de sa circonscription.
Un total de 45 sièges sont en jeu dont 44 brigués par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Suu Kyi: 37 à la chambre basse du parlement, six à la chambre haute et deux dans des chambres régionales.
Un pouvoir en place en quête de crédibilité internationale
Le gouvernement, composé d'anciens militaires réformateurs arrivés au pouvoir il y a un an, tente de prouver que ses réformes politiques sont sincères et peuvent justifier la levée des sanctions occidentales qui étranglent l'économie du pays. Au terme d'un processus de transition non violent et sous contrôle de l'armée, cette nouvelle équipe a proposé à Suu Kyi d'intégrer l'échiquier politique officiel. Selon tous les analystes, le gouvernement a lui-même intérêt à voir l'opposante triompher sous le regard de la communauté internationale.
Suu Kyi a dénoncé une campagne pleine d'irrégularités. Mais elle a aussi revendiqué le besoin de participer - donc de légitimer - le processus en cours pour changer les choses de l'intérieur. «Une fois au parlement, nous pourrons travailler pour une véritable démocratisation», a-t-elle justifié vendredi.
Ne pas reproduire «l'occasion manquée» de 2010
Aung San Suu Kyi avait triomphé aux élections de 1990, sans que la junte ne reconnaisse jamais les résultats. Elle était encore en résidence surveillée vingt ans plus tard, en novembre 2010, lors de législatives boycottées par la LND et qualifiées de mascarade par l'Occident. «Le processus électoral de 2010 (...) a représenté une opportunité ratée (...) Cela ne doit pas se reproduire alors que la Birmanie entre dans une ère nouvelle et plus ouverte», a estimé l'envoyé spécial de l'ONU sur les droits de l'Homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana.
Quels que soient les résultats, le pouvoir n'a pour sa part rien à craindre de ces partielles. Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créé de toutes pièces par l'ancienne junte, avait revendiqué environ 80% des sièges en 2010. Et un quart des parlementaires sont, en vertu de la Constitution, des militaires d'active désignés en marge du processus électoral.
http://www.leparisien.fr/international/ ... 933903.php