LES MARIAGES DES ECCLÉSIASTIQUES DÉPUTÉS A LA CONVENTION
Sur la cinquantaine d'ecclésiastiques que comptait la Convention nationale, douze, probablement demeurèrent prêtres et ne se marièrent pas (1). En ce qui concerne les abdicataires, nous possédons des renseignements sur les mariages de vingt-six d'entre eux. On peut obtenir un aperçu de ce que furent ces unions d'après les déclarations de cinq prêtres montagnards qui se marièrent en 1792 et 1793 et qui souhaitaient donner l'exemple au clergé républicain de France.
Un petit nombre seulement de membres du clergé se marièrent pendant la Révolution, même parmi les déprêtrisés, alors qu'une loi de brumaire an II (novembre 1793) exemptait de la prison et de la déportation les prêtres mariés. On a vu dans le mariage des prêtres le phénomène le plus radical de la déchristianisation (2). Les archives du Cardinal Caprara, légat du pape, conservent les pétitions de 3.715 prêtres mariés qui, par la suite, implorèrent l'absolution prêtres mariés et impénitents sous la Terreur, nous arrivons alors à moins de 6.000 mariages de prêtres, chiffre peu élevé par rapport au nombre de 130.000 ecclésiastiques existant à la veille de la Révolution, et plus un faible pourcentage des 20.000 prêtres qui avaient abdiqué (3).
Ces mêmes archives fournissent quelques indications sur les épouses de ces prêtres, d'après les pétitions qu'elles contiennent. Il n'était pas nécessaire d'y faire figurer le nom de la femme et les circonstances du mariage. Il ressort des études récentes concernant ces archives que beaucoup de prêtres épousèrent des proches parentes ou bien leurs domestiques — choix dû à l'obligation de se marier rapidement ou peut-être à la difficulté des prêtres à trouver femme — . Un nombre relativement faible de religieuses mariées sollicitèrent à leur tour l'absolution pontificale. Ce fait, et le pourcentage élevé, comparativement, de celles qui épousèrent des ex-prêtres témoigne de leur isolement dans la société (4).
Sous la Terreur, les prêtres qui présentaient leurs femmes aux Sociétés populaires parlaient de leur mariage comme voulu par la nature et affirmaient qu'ils épousaient de pauvres citoyennes, riches en vertus républicaines (5). Se marier pour ces vertus, c'était agir en révolutionnaire. La loi du 20 septembre 1792 sur le mariage civil avait supprimé certains empêchements et accordé le droit au divorce ; d'autres lois révolutionnaires avaient aboli la primogeniture des enfants mâles et accordé aux enfants des deux sexes une part égale d'héritage (6). Ces lois tendaient à établir les principes de liberté et d'égalité au sein de la famille ; bien entendu, elles n'excluaient pas les mariages d'intérêt. Ces annonces de mariage des ex-prêtres étaient l'expression la plus complète des principes de liberté et d'égalité.
Mais, comme nous savons si peu de choses sur les femmes de ces prêtres, j'ai limité mon étude à celles des ecclésiastiques membres de la Convention. Sur ces mariages eux-mêmes, les renseignements sont rares. Néanmoins, il est ici possible à l'historien de glaner quelques indications. Etant donné que ces mariages constituent des phénomène asbsolu ment nouveaux, on peut en tirer quelques conclusions en ce qui concerne les mariages révolutionnaires en général, et le statut
de la femme pendant la Révolution.
Deux ecclésiastiques députés — l'évêque constitutionnel Robert- Thomas Lindet et l'ex-oratorien, professeur et prêtre Joseph Lebon — annoncèrent leur mariage en novembre 1792, un an avant les mariages des autres prêtres-députés. En novembre 1792, la plupart des prêtres appartenant au club des Jacobins de Paris pensaient encore (en opposition à la motion de P.J. Cambon à la Convention) que la nation devait continuer à payer les salaires du clergé constitutionnel. Sinon, comment, demandait J.L. Goyré-Laplanche, vicaire episcopal de la Nièvre et conventionnel, les prêtres pouvaient ils se marier s'ils ne recevaient aucun salaire ? (7). En novembre 1792, les prêtres jacobins voulaient un clergé catholique marié .... suite