Chez les mouches, le mâle sombre dans l’alcool par frustration sexuelle.
Chez les mouches drosophiles, les mâles repoussés sexuellement par les femelles sombrent dans l'alcool, comme certains homme le font pour oublier, révèle jeudi une recherche parue dans la revue américaine Science.
C'est une question de baromètre interne : selon ces expériences, une substance présente dans le cerveau de la mouche drosophile augmente et diminue selon la satisfaction ou le déplaisir que l'insecte ressent. Lorsque le drosophile mâle est en mesure de copuler, son cerveau présente des taux plus élevés de cette petite molécule (un neuropeptide F) et est moins enclin à consommer des aliments comportant de l'alcool. Le drosophile mâle sexuellement frustré quant-à lui, se saoule rigoureusement à la banane frelatée. Les chercheurs ont observé de bas niveaux de neuropeptide F chez ces mêmes insectes.
Pour cette expérience, les chercheurs ont commencé par mettre des drosophiles mâles dans une cage de verre où se trouvaient des femelles vierges prêtes à copuler. Ils ont ensuite placé d'autres mâles avec des mouches femelles qui s'étaient déjà accouplées, les conduisant à rejeter les avances de nouveaux mâles.
Après ces ébats, ou ces absences d'ébats, les différents mâles ont été mis dans des boîtes contenant deux pailles, l'une pourvoyant de la nourriture liquide normale et l'autre chargée à 15% d'alcool. Les mouches qui avaient été repoussées sexuellement se sont jetés sur les nutriments liquides alcoolisés, en absorbant de grandes quantités. Par contre, les mâles comblés ont surtout consommé de la nourriture non-alcoolisée. Et ces comportements étaient totalement prévisibles en fonction des niveaux de neuropeptide F dans le cerveau des insectes, selon les chercheurs.
L'expérience pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements contre la dépendance à l'alcool ou à d'autres drogues chez l'homme, selon Ulrike Heberlein, professeur d'anatomie et de neurologie à l'Université de Californie à San Francisco et principal auteur de ces travaux. Car un neurotransmetteur cérébral similaire à celui de la drosophile, appelé neuropeptide Y, est présent chez les humains.
Ajuster les taux de ces neuropeptides chez les humains pourrait faire disparaître cette dépendance, pensent ces scientifiques, expliquant avoir fait exactement la même observation chez la mouche drosophile, encore appelée mouche du vinaigre, un sujet de recherche utilisé par la science depuis le XIXe siècle.
"Si les neuropeptides Y s'avèrent bien jouer un rôle déterminant dans l'état psychologique conduisant à abuser de l'alcool et des drogues, on pourrait alors mettre au point des thérapies neutralisant les récepteurs de cette molécule" pour en assurer un niveau suffisant constant dans le cerveau, estime Ulrike Heberlein. Elle précise que des essais cliniques sont en cours pour tester la capacité des neuropeptides Y à soulager l'anxiété et d'autres troubles psychologiques aussi bien que l'obésité.