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En route pour le Luxembourg, nous faisons un crochet par l'usine ArcelorMittal de Florange pour saluer une dernière fois José Delgado, qui nous a logé la veille dans l'arrière-salle du bar-restaurant de son épouse, sur la commune voisine de Bertrange.
L'intersyndicale décide de la conduite à suivre dans la salle du conseil d'administration, qu'elle occupe au premier étage des bureaux d'ArcelorMittal. Pendant ce temps, en dessous, José nous réchauffe trois merguez. Il ne veut pas nous laisser partir le ventre vide au Luxembourg. Posté derrière son « barbecue syndical », il insiste pour charger les vélos dans sa camionnette et nous y emmener :
« Ça me permettra de faire le plein de la voiture et quelques courses ! »
Au Grand Duché, la finance après la sidérurgie
Le Luxembourg apporte une bouffée d'air aux habitants du nord de la Lorraine, région sinistrée par la disparition progressive de la sidérurgie depuis le début des années 80. Selon l'Insee, en 2007, plus de 60 000 Français y travaillaient. C'est un flot continu de voitures immatriculées en Meurthe-et-Moselle, que l'on croise à l'heure de la sortie des bureaux au moment où nous passons la frontière par Dudelange.
Là aussi, les hauts-fourneaux sont à l'abandon. La sidérurgie, qui fut pendant longtemps la locomotive de l'économie luxembourgeoise, a laissé la place à l'activité financière pour faire du Grand Duché l'un des pays les plus prospères au monde. Près de 30 000 Français y vivent. Nous sommes accueillis chez deux d'entre eux, Josée et Jean-Pierre, un couple de retraités à l'abri du besoin.
LA CAMPAGNE À VÉLO ÉPISODE : CHEZ JOSÉE ET JEAN-PIERRE, AU LUXEMBOURG
« En France, il y en avait marre de l'impunité »
Jean-Pierre a 86 ans. Résistant dans la région lyonnaise, il s'engage dans l'armée de Lattre en 1944. Et puis c'est l'Indochine, l'Algérie, destin de tant d'officiers passés par la France libre. De retour en métropole, il trouve une place chez un concessionnaire spécialisé dans les pneumatiques.
Il y rencontre Josée, la fille du propriétaire. Ils se marient au début des années 70 et montent une société spécialisée dans la vente de bijoux aux comités d'entreprise. Jean-Pierre, plus âgé que Josée, prend sa retraite. Le couple s'installe sur la Côte d'Azur où Josée ouvre une bijouterie.
Si le Luxembourg ne manque pas d'attraits fiscaux, notamment concernant l'impôt sur la fortune ou l'exonération de droits de succession en ligne directe, Josée et Jean-Pierre affirment s'y être installés pour une toute autre raison. Deux événements décisifs ont, selon eux, provoqué leur départ. Josée raconte :
« Un jour, alors que nous vivions encore sur la Côte d'Azur, un homme s'est pointé à la bijouterie et a avalé une chaîne en or alors que je lui présentais différents modèles. La police a mis une demi-heure à arriver – heureusement que nous avions un berger allemand pour le tenir en respect.
Il a finalement été emmené à l'hôpital pour une radio de l'estomac, preuve de sa culpabilité. Et il en est ressorti libre. On s'est alors dit qu'il y en avait décidément marre de l'impunité. »
Jean-Pierre poursuit :
« Nous avons alors déménagé à Bordeaux. Un jour, nous avons pris le tramway place des Quinconces, en plein centre-ville. Il y avait trois jeunes basanés. Ils se sont mis à cracher. Là, j'ai dit à Josée : “Trop c'est trop, on fait les valises et on quitte la France.” »
Le Luxembourg, pays du consensus
Jean-Pierre aurait aimé s'expatrier au Maroc où il se sent « chez lui » pour y avoir servi dans la Légion. Ce n'était pas du goût de Josée qui n'aime pas trop ce « genre de pays ». Ils optent pour le Luxembourg, où Josée se sent enfin en parfaite sécurité :
« C'est propre ici, les gens sont respectueux, il n'y a pas d'incivilités. C'est l'ordre. »
Jean-Pierre ajoute :
« C'est un pays où il existe un consensus permanent en politique, pas comme en France où l'on s'écharpe pour un rien. »
Le lendemain, Josée et Jean-Pierre insistent pour nous présenter leur ville d'accueil. Face au palais grand-ducal, Josée s'émerveille :
« Ça ressemble à un château de princesse, non ? C'est un peu Disneyland ici. A chaque fois que je me promène dans les rues de la ville, j'ai l'impression de retomber en enfance. »