Jean-Luc Mélenchon était inspiré, à Toulouse, jeudi soir. Emporté par l'enthousiasme, les poings levés à son entrée en scène ou la main offrant son coeur et esquissant une danse au moment d'une sortie à laquelle il ne semblait ne pas arriver à se résoudre, il a fait vivre le contact avec les manifestants. Le discours a été bref, une demi-heure.
Une fois le contact engagé avec la foule, l'orateur veille à faire surgir les rêves. Il se fait prophète du bonheur social - "Mes amis, nous sommes au mois de germinal, les bourgeons gonflés de vie. Mille choix d'expression éveillent une sensation immédiate de bonheur, les images puisées de l'histoire chère aux militants de gauche - le salut en espagnol aux "banderas rojas", l'hommage au "grand Jaurès", le procédé de l'accumulation, que ce soit pour énumérer les misères dont la politique de droite est jugée coupable ou les progrès qu'une nouvelle politique rendrait possibles - ou encore la répétition d'un mot, pour mieux le graver dans les esprits et inciter la foule à un relais dans la revendication : "Partage ! Partage ! Partage !"
Deux sujets politiques fondus dans le lyrisme
Le premier sujet était attendu. Le candidat a répondu aux contestations formulées au sujet du chiffrage des coûts de son programme notamment par l'Institut de l'entreprise. La réponse s'est fait contre-attaque. En jouant sur les mots il a interpellé le président sortant : "Je vous demande des comptes pour cette société absurde, un océan de malheurs, parmi lesquels, en série illimitée, l'ignorance croissante, les difficultés pour beaucoup à se soigner, l'abaissement de la patrie..." Revenir sur le chiffrage des coûts de son programme ? Non, car la méthode comptable - les "abjectes comptabilités" - des adversaires est rejetée : "Notre programme n'est pas réaliste d'après vos normes comptables, mais réaliste d'après les nôtres. Les nôtres, ce seront, extrapole le candidat, des normes conformes à l'intérêt général, humaines, puisqu'elles seront définies par le peuple souverain."
Le deuxième sujet appuyé concernait la politique extérieure, et le rêve d'une république universelle dont la France serait le flambeau. "Nous ne voulons pas du commandement intégré, nous ne voulons pas de l'Otan, nous voulons une alliance altermondialiste indépendante des États-Unis. La France doit impulser une rénovation des organismes de l'ONU. La France n'est pas une nation occidentale : son peuple est bigarré, elle est présente dans tous les océans, elle rayonne sur les cinq continents... elle est une nation universaliste. D'ailleurs, nos révolutions ont toujours été universelles."
Le sentiment d'être augmenté
Les manifestants semblent emportés par la musique des mots, les sourires défient la pluie, les regards échangent des messages de fraternité. Les militants se sentent des allégories de la solidarité. On continue à chanter en s'égaillant dans les rues sombres et luisantes. Était-ce un "meeting d'éducation populaire", ce "nouveau genre" que Jean-Luc Mélenchon revendique en opposition au "bougli-bougla du PMU politicien" ? Un meeting révolutionnaire, sans doute. C'était probablement le but, plus que d'emporter l'adhésion sur un programme concret de gouvernement. C'est peut-être aussi ce qui nourrit ce "fleuve en train de déborder", la réunion de masses d'électeurs toujours plus vastes, auxquels le candidat rend hommage en les décrivant comme "forts, adultes, conscients, éduqués, politisés". Qu'il soit élu ou non, Jean-Luc Mélenchon en parle avec jubilation comme d'un succès irréversible, "rien ne fera rentrer ce fleuve dans son lit" désormais.