David Cameron s'est rassis et les juges de la Cour européenne se sont regardés avec un soupir de soulagement. Le discours du premier ministre britannique, le 25 janvier à Strasbourg, était attendu avec anxiété : la Grande-Bretagne préside pour un semestre le Conseil de l'Europe et entend bien mettre au pas une Cour qui ose se mêler de la justice de Sa Gracieuse Majesté au lieu de s'occuper des Ukrainiens ou des Turcs.
Le discours était finalement fort modéré, le premier ministre n'a pas fait à nouveau part de son "dédain pour les bureaucrates non élus de Strasbourg", comme il l'avait fait à Londres en février 2011, mais la Cour européenne des droits de l'homme a bien conscience de traverser la plus grave crise de son histoire et redoute les propositions anglaises de réforme qui seront débattues en avril lors de la conférence de Brighton.
La Grande-Bretagne n'a pas de leçons à recevoir en matière des droits de l'homme, a rappelé David Cameron devant les juges, depuis la Magna Carta de 1215 qui a garanti le droit à un procès équitable ou la "Pétition des droits" de 1628 qui a interdit les détentions arbitraires. "Mais le moment est venu de se poser de sérieuses questions sur la façon dont travaille la Cour", a repris le premier ministre, qui estime qu'elle devrait se concentrer sur "les violations les plus sérieuses des droits de l'homme" et "ne pas compromettre sa réputation en contrôlant des décisions nationales qui n'ont pas besoin l'être", les décisions britanniques notamment, on l'aura compris.
C'est que le contentieux s'envenime. La Grande-Bretagne a été condamnée en octobre 2005 parce qu'elle privait automatiquement ses détenus du droit de vote (arrêt Hirst), décision confirmée en avril 2010 contre l'Autriche (arrêt Frodl), puis à nouveau en 2011 contre le Royaume-Uni (Greens et MT).
Le conseil des ministres du Conseil de l'Europe, chargé de faire appliquer les décisions de la Cour, s'est ému en 2009 du retard pris par l'Angleterre pour réformer sa loi. La Chambre des communes britannique a, au contraire, adopté le 10 février 2011 une motion favorable au maintien de l'interdiction de vote, et à une écrasante majorité. Le Conseil de l'Europe a donné jusqu'au 11 octobre à la Grande-Bretagne pour se mettre en conformité. Puis a repoussé le délai jusqu'à six mois après un arrêt définitif contre l'Italie sur la même question (arrêt Scoppola), qui devrait être rendu avant l'été. Londres n'a aucune envie de céder.
Une nouvelle affaire a tendu encore davantage les relations. La Cour s'est opposée le 17 janvier à l'extradition d'un islamiste en Jordanie, Omar Othman, dit Abou Qatada, parce que des preuves obtenues sous la torture pouvaient être retenues contre lui et que cela malmenait son droit à un procès équitable. Faute de pouvoir l'extrader, un juge britannique a été obligé de le libérer sous conditions. "Un terroriste sur le chemin des écoliers", s'est offusqué le Daily Mail, parce que l'homme avait été autorisé à conduire ses enfants à l'école. Le Sun a sombrement évoqué la "capitulation britannique" : "Une fois encore, les juges européens ont tranché contre les droits des citoyens britanniques à vivre en sécurité et en faveur des droits d'un monstre d'Al-Qaida qui veut notre mort."
MENACÉE D'ASPHYXIE
Sir Nicolas Bratza, le président de la Cour européenne, a même dû sortir de sa réserve et dénoncer en mars 2011 à Edimbourg "l'hystérie des critiques au vitriol - et je regrette de le dire, xénophobes - contre les juges de ma Cour". Il pensait que l'élection d'un juge anglais à la tête de la Cour européenne, en novembre 2011, serait "largement saluée" dans son pays. La presse populaire lui a répondu que son père était serbe et qu'il n'était qu'à moitié britannique.
Même outrées, les critiques britanniques sont en partie fondées. La Cour, c'est vrai, est menacée d'asphyxie. Elle a été saisie de 45 000 requêtes au cours de ses trente premières années ; elle en a reçu 64 500 nouvelles rien qu'en 2011, et 151 000 dossiers sont en attente. Il y a un léger mieux, elles étaient 160 000 avant l'entrée en vigueur du protocole 14, une sorte d'amendement à la Convention européenne des droits de l'homme, qui a permis de confier les affaires les plus simples à un juge unique et amélioré de 30 % le traitement des requêtes. Il permet aussi d'écarter les dossiers où le préjudice est insignifiant. David Cameron a raillé la saisine de la Cour par un touriste qui réclamait 90 euros à une compagnie de bus pour un voyage Bucarest-Madrid moins confortable que promis...
Le paradoxe est que la Grande-Bretagne a été l'une des premières à ratifier la Convention (en 1951 - la France en 1974), c'est aussi l'une des moins condamnée : 8 fois seulement pour 955 requêtes déposées en 2011 contre le Royaume-Uni.
Le nouveau projet de réforme de la Cour, qui sera examiné à Brighton, rogne pourtant sévèrement les pouvoirs de l'institution. Les Anglais en ont présenté une première mouture jeudi 23 février. Ils souhaitent notamment que "chaque Etat dispose d'une marge d'appréciation considérable en matière d'application et de mise en oeuvre de la Convention. Cela traduit le fait que les autorités nationales sont en principe les mieux placées pour appliquer les droits prévus par la Convention dans le contexte national".
Le projet de Brighton prévoit aussi qu'une requête devant la Cour soit irrecevable "si elle est en substance identique à une question qui a été examinée par une juridiction nationale en tenant compte des droits garantis par la Convention". La Cour européenne ne pourrait être saisie qu'en cas "d'erreur manifeste" ou de problème d'interprétation. Il est certain qu'à ces conditions, la Cour n'aurait plus beaucoup de dossiers à se mettre sous la dent, et que ce serait le crépuscule du dispositif européen de protection des droits de l'homme.
La première réunion des 47 représentants des pays membres aura lieu le 5 mars. La Belgique, l'Autriche et surtout l'Allemagne, fervents défenseurs de la Cour, devraient s'opposer aux prétentions anglaises ; la France ou la Suisse plutôt les appuyer. Paris ne s'intéresse d'ailleurs qu'assez peu à la Cour. Ni François Fillon ni Nicolas Sarkozy n'ont jugé utile de se rendre une seule fois à Strasbourg, à la différence d'Angela Merkel, ou de François Hollande, le 19 septembre 2011.
Les réformes anglaises ne sont cependant pas encore adoptées : il faudra d'abord tomber d'accord - à 47 - ; adopter un texte commun les 19 et 20 avril à Brighton, puis faire ratifier le nouveau protocole par chacun des 47 Etats. Le protocole 14, signé en mai 2004, n'a été ratifié par la Russie que le 15 janvier 2010...
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... id=1648956la CEDH est un ramassis de gauchistes apatrides, promoteurs de l'inversion et du multiculturalisme.
il convient de la dissoudre sans tarder.