J'aimerais expliquer à ceux qui peuvent l'entendre que le terme d' « assistanat » est injuste, dégradant et indécent pour les personnes qui sont malheureusement contraintes pour survivre de solliciter les aides sociales.
Comme j'approche de la soixantaine, j'ai vécu la période bénie du « plein emploi » car il y avait très peu de chômage dans les années 70. Les salariés, ouvriers ou employés de bureau, dont je faisais partie, n'usaient qu'à bon escient des indemnités de maladie, soucieux de ne pas grever un budget nécessaire pour aider ceux qui en avaient réellement besoin. Une conscience sociale certaine animait le monde du travail, et si vous perdiez votre emploi, vous aviez la quasi-certitude de retrouver rapidement une activité rémunérée au moins à l'égal de la précédente. Puis sont apparus dans les années 75 les prémisses de la délocalisation.
Je travaillais pour Michelin, dans les bureaux d'étude d'une entreprise sous-traitante. Nous élaborions des plans pour la construction d'usines en Espagne, Pologne, États-Unis... bref, dans des pays où les salaires, charges sociales ou impôts étaient bien inférieurs à ceux de la France !
Désormais, il n'existerait plus de syndicat pour déstabiliser le plan capitaliste mis à mal en 1968...
Mais la diminution du coût de fabrication n'a, bien sûr, jamais été répercutée sur le prix de vente des produits. Par contre, la ville de Clermont-Ferrand et ses alentours se sont vidés de milliers d'emplois, entraînant la disparition de centaines d'entreprises et commerces liés à l'activité, brisant sans pitié le tissu social de cette région.
J'imagine qu'il en fut de même dans bien des villes où régnaient de gros trusts industriels.
L'État ayant laissé s'accomplir ce massacre, ne put abandonner ces milliers de foyers sacrifiés sur l'autel du profit des plus riches. Aussi une petite partie de ces employés dut être recyclée après formation dans d'autres activités, avec des salaires, bien entendu, toujours inférieurs à ceux qu'ils percevaient auparavant. Ce fut l'âge d'or des centres AFPA, pour les plus jeunes, et la galère pour les autres. Alors, l'État dut s'astreindre à créer des aides pour pallier cette situation catastrophique. L'homme ayant nécessité de se nourrir pour vivre, il fallait bien endiguer la recrudescence des larçins ou autres combines, ainsi que la menace d'un blocus économique, à l'image de 68.
Ces nouvelles aides servirent à calmer la révolte de tous ceux qui participèrent à la richesse du pays par leur travail, bafoués par les nantis qui s'étaient servis d'eux. En ces temps de dégoût et d'ingratitude, les dirigeants ne parlaient surtout pas d'assistanat.
Pour museler définitivement les justes revendications des travailleurs, la machine infernale du profit eut l'idée géniale de l'accession à la propriété pour tous, quitte à créer le prêt à taux zéro. Offrant ainsi l'illusion aux pauvre de ,'être pas laissés pour compte. Mais ce faisant, les nouveaux petits propriétaires durent affronter les obligations inhérentes à la possession d'un bien immobilier, investissement, entretien, impôts, crédit, avec des revenus toujours en diminution ; ils connurent, pour un grand nombre, les affres de l'endettement sans issue.
Aujourd'hui, quel village au charme bucolique n'arbore pas son lotissement incongru, comme un emplâtre à l'exode rural d'après-guerre. Tout à côté du village aux maisons de pierre ou de torchis à pans de bois s'étale la zone quadrillée de goudron, parsemée de cubes de brique ou parpaings ceinturés de haies artificielles pour vous couper des autres, obligeant les enfants à se parler à travers un grillage. De par ce fait, la location d'un toit en zone rurale est devenue une exception et quand elle existe, son coût exorbitant et ses exigences la réserve à des personnes bénéficiant de revenus substantiels et de garants pris en otage.
Alors en cette période pré-électorale, où l'on nous promet tout et n'importe quoi, seuls sont crédibles les voix qui expriment la volonté d'inverser l'utilité de l'argent. Substituer au rôle de pouvoir et de servitude liés à la finance celui de l'amélioration de la condition humaine. La disparition du clivage droite-gauche ne verra le jour qu'à cette condition, pour répondre à François Bayrou. Le retour à la fabrication nationale me semble une douce illusion quand on sait voir l'exode de nos moyens de production vers les pays les plus pauvres.
La masse gigantesque de main d'œuvre à bas coût que nos entreprises utilisent en Chine ou en Inde est la promesse d'une très longue période de chômage pour nos concitoyens ouvriers.
La dégradation de notre production industrielle est voulue et créée par ceux qui s'en dédouanent en invoquant une « crise », dont ils sont les seuls responsables, et font payer aux démunis le fruit de leurs erreurs inhérentes à la sacro-sainte idée de « profit ».
La France est devenue un pays pour riches, même immigrés s'ils le désirent, mais riches. Un beau pays de vacanciers, nettoyé de ses usines et de ses pauvres, qui seront contraints à l'exil, dans des contrées polluées, hideuses., transpirant la sueur, la maladie et la mort de gens trop pauvres pour qu'on les soigne.
J'aimerais convaincre que nous devons prendre en main notre destin en arrêtant de nous laisser manipuler par ceux qui se tiendront toujours à l'abri des obus et de la mitraille.
Et pour finir sur une phrase de notre guide spirituel et néanmoins ami :
« Ils veulent que l'on devienne intelligents, mais ils nous prennent pour des cons. Comment on fait alors ? »