Soupçonné par la justice d'être derrière le site Fdesouche, l'ancien candidat FN Pierre Sautarel vient d'être mis en examen pour diffamation publique. Face à une jurisprudence flottante, les enquêteurs risquent d'avoir du mal à établir sa responsabilité.
Fdesouche, le blog le plus connu des sites d'extrême droite, est dans le collimateur de la justice. Suspecté d'en être le directeur de publication, Pierre Sautarel, a été mis en examen le 1er février par la juge d'instruction Maïa Escrive pour diffamation publique envers Pierre Henry, directeur général de l'association France terre d'asile.
Depuis 2005, Fdesouche.com est une institution incontournable au sein de l'extrême droite. Avec 320 000 visiteurs par mois selon Google Adplanner, le site est devenu un "média à part entière" comme l'affirme Marine Le Pen. En 2009, le blog a relayé plusieurs vidéos et affaires polémiques dont celle de Fréderic Mitterrand qui lui a permis d'obtenir une visibilité médiatique.
Site entièrement participatif, Fdesouche ne produit quasiment aucun contenu et ne fait que relayer des articles sur l'immigration, l'islam ou l'insécurité produits par des sites grands publics afin de permettre à ses lecteurs d'en débattre. Victime de son succès, Fdesouche s'est peu à peu transformé en défouloir. Pour le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus, ces commentaires jouent un rôle de "soupape de compensation" et permettent à une frange de la population qui peine à exprimer son opinion ailleurs d'extérioser son mal-être.
Deux convocations
Début 2011, l'historien Benjamin Stora, vilipendé dans les commentaires du site, avait déjà porté plainte. D'autres ont décidé de l'imiter. Soupçonné d'être responsable du site, Pierre Sautarel, ancien prestataire de service du FN et candidat suppléant aux élections législatives de 2007, a reçu deux convocations de la justice.
La première le 4 janvier 2012 en provenance du Tribunal de grande instance de Paris suite à une plainte du directeur général de l'association France terre d'asile, Pierre Henry, pour laquelle la mise en examen a été prononcée. Sous un article intitulé "France terre d'asile et la préférence nationale", plusieurs commentaires traitaient Pierre Henry de "collabo" ou "d'idiot utile du patronat".
La seconde convocation a été émise par le Tribunal de grande instance de Rouen le 31 janvier dernier suite à une plainte de l’ancien professeur de l'université de Paris-13 Arezki Dahmani. Dans les deux cas, Pierre Sautarel est mis en cause pour des commentaires et poursuivi pour délit de diffamation publique envers un particulier. Les juges d'instruction le considèrent de fait comme "le directeur de publication du site".
"Le responsable du site est indien et s'appelle Tilak Raj"
Pierre Sautarel a accepté de nous rencontrer dans un restaurant japonais de la rue Sainte-Anne, dans le Ier arrondissement. Gilet beige, chemise à carreaux et médaillon de Vercingétorix, ce trentenaire blond reconnaît participer au site mais explique que "le responsable légal est indien et s'appelle Tilak Raj".
Depuis 2008, les mentions légales du site indiquent en effet le nom de ce mystérieux Indien et une adresse à New Delhi, en Inde. "Peut-être que son cousin vendait des marrons chauds à Gare de l'Est et qu'il s'est fait agresser", persifle Pierre Sautarel quand on lui suggère qu'il s'agit d'un prête-nom.
Les enquêteurs ne peuvent pas non plus réclamer des informations aux fournisseurs d'accès puisqu'il est basé à l'étranger. De 2005 à 2010, le site a été hébergé alternativement aux Etats-unis et au Canada. Depuis deux ans et une suspension du site pour des problèmes de copyright, le site est abrité chez PRQ en Suède. Un prestataire qui s'est également occupé des sites de The Pirate Bay ou Wikileaks.
Une responsabilité allégée ?
Comment les enquêteurs en sont-ils venus à suspecter Pierre Sautarel ? "Les policiers m'ont dit que Facebook leur avait fourni l'adresse IP de la page de Fdesouche et qu'elle correspondait à la mienne", explique Pierre Sautarel. Les enquêteurs lui reprochent également de tenir le site Esprit de clocher qui permettrait de financer Fdesouche. Ne disposant d'aucun financement public, ce pure player de l'extrême droite incite régulièrement ses lecteurs à lui envoyer des dons par paypal ou par chèque via ce site. Pierre Sautarel s'en défend : "Esprit de Clocher est une société de business digital qui n'a rien à voir avec Fdesouche. Sur ce site, nous vendons des images et des produits religieux."
Selon Nicolas Poirier, responsable juridique d'Overblog et d'Ebuzzing, Pierre Sautarel "ne peut plus se contenter de nier puisque que son IP a été rattachée aux activités du site. C'est désormais à lui de prouver que ce responsable légal basé en Inde existe réellement."
Interrogé par les Inrocks, Maître Bruno Anatrella (BAGS Avocats), spécialiste des questions liées au droit de l’internet, précise que la loi dite Hadopi prévoit un régime de responsabilité allégée pour le directeur de la publication d’un site ou d'un blog.
"Lorsque les propos diffamatoires ont été postés par un internaute, le directeur de la publication ne peut voir sa responsabilité pénale engagée, comme auteur principal, que s'il est établi qu'il avait connaissance du message litigieux avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il n'a pas agi promptement pour le retirer."
Ainsi, poursuit Maître Anatrella, si les investigations démontrent que Pierre Sautarel est le véritable directeur de la publication du site et qu'il n'a pas réagi promptement pour retirer les propos litigieux, il ne pourra pas bénéficier de cette responsabilité allégée et devra se défendre dans le cadre des poursuites en diffamation."
Pierre Sautarel indique que son conseil a formellement réclamé à la justice des investigations sur Tilak Raj. Confiant, le blogueur déclare : "La justice peut l'interroger, il reconnaitra probablement que c'est bien lui qui est derrière Fdesouche."
http://www.lesinrocks.com/actualite/act ... en-examen/
La police politique s'active avant les élections on dirait.