Le pays
C'est un petit pays qui se cache parmi
ses bois et ses collines ;
il est paisible, il va sa vie
sans se presser sous ses noyers ;
il a de beaux vergers et de beaux champs de blé,
des champs de trèfle et de luzerne,
roses et jaunes dans les prés,
par grands carrés mal arrangés ;
il monte vers les bois, il s'abandonne aux pentes
vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux
et, la nuit, leurs musiques d'eau
semblent agrandir encore le silence.
Son ciel est dans les yeux de ses femmes,
la voix des fontaines dans leur voix ;
on garde de sa terre aux gros souliers qu'on a
pour s'en aller dans la campagne ;
on s'égare aux sentiers qui ne vont nulle part
et d'où le lac parait, la montagne, les neiges
et le miroitement des vagues ;
et, quand on s'en revient, le village est blotti
autour de son église,
parmi l'espace sombre où hésite et retombe
la cloche inquiète du couvre-feu.
Le Pays de Charles-Ferdinand Ramuz
le découpage est plus que douteux...
Ramuz est un écrivain et un poète vaudois, il est notamment connu pour avoir défendu le parlé français vaudois face au "bon français" dans une lettre à bernard grasset, son éditeur.
Dans sa Lettre à Bernard Grasset de 1929, Ramuz précise son rapport avec la Suisse romande : “ Mon pays a toujours parlé français, et, si on veut, ce n’est que “son” français, mais il le parle de plein droit (...) parce c’est sa langue maternelle, qu’il n’a pas besoin de l’apprendre, qu’il le tire d’une chair vivante dans chacun de ceux qui y naissent à chaque heure, chaque jour.(...) Mais en même temps, étant séparé de la France politique par une frontière, il s’est trouvé demeurer étranger à un certain français commun qui s’y était constitué au cours du temps. Et mon pays a eu deux langues: une qu’il lui fallait apprendre, l’autre dont il se servait par droit de naissance; il a continué à parler sa langue en même temps qu’il s’efforçait d’écrire ce qu’on appelle chez nous, à l’école, le “ bon français ”, et ce qui est en effet le bon français pour elle, comme une marchandise dont elle a le monopole. ”. Ramuz écarte l’idée que son pays soit une province de France et dit le sens de son œuvre en français: “ Je me rappelle l’inquiétude qui s’était emparée de moi en voyant combien ce fameux “ bon français ”, qui était notre langue écrite, était incapable de nous exprimer et de m’exprimer. Je voyais partout autour de moi que, parce qu’il était pour nous une langue apprise (et en définitive une langue morte), il y avait en lui comme un principe d’interruption, qui faisait que l’impression, au lieu de se transmettre telle quelle fidèlement jusqu’à sa forme extérieure, allait se déperdant en route, comme par manque de courant, finissant par se nier elle-même (...) Je me souviens que je m’étais dit timidement: peut-être qu’on pourrait essayer de ne plus traduire. L’homme qui s’exprime vraiment ne traduit pas. Il laisse le mouvement se faire en lui jusqu’à son terme, laissant ce même mouvement grouper les mots à sa façon. L’homme qui parle n’a pas le temps de traduire (...) Nous avions deux langues: une qui passait pour “ la bonne ”, mais dont nous nous servions mal parce qu’elle n’était pas à nous, l’autre qui était soi-disant pleine de fautes, mais dont nous nous servions bien parce qu’elle était à nous. Or, l’émotion que je ressens, je la dois aux choses d’ici... “ Si j’écrivais ce langage parlé, si j’écrivais notre langage...” C’est ce que j’ai essayé de faire...” (Lettre à Bernard Grasset (citée dans sa version préoriginale parue en 1928 sous le titre Lettre à un éditeur ) in Six Cahiers, n°2, Lausanne, novembre 1928).
extrait wikipedia